Champion du nombrilisme sous couvert d’altruisme
Robert Ménard en forme olympique
« Tibet libre » proclame un panonceau, ce lundi 7 avril, sur le parcours parisien de la flamme olympique ; sur le parcours mais au bord du chemin. Sa légitimité du coup est entière : usage légitime et digne de la liberté d’expression et du droit de manifestation. Comme étaient légitimes le rassemblement de la FIDH sur l’Esplanade du Trocadero ou celui des députés devant l’Assemblée nationale. Même si la mémoire de Jean-Marc Ayrault lui joue des tours. Il avait oublié que François Mitterrand avait justifié en homme d’État qu’il était, la venue à Paris de Fidel Castro : « Il ne resterait pas grand monde si la France devait n’avoir de relations diplomatiques qu’avec les pays respectueux des droits de l’homme. » Mais la liberté de parole, y compris celle d’un député, n’exige pas la cohérence intellectuelle.
Légitimes et dignes ces manifestations, préalable qui les rend aptes peut-être à servir la cause qu’elles défendent. La flamme suit le parcours officiel validé par le Comité International Olympique, et quiconque estime que l’événement est l’occasion de manifester peut le montrer le long du parcours. Rien à redire. Quant au reste, aux tentatives d’entrave du cortège c’est un autre univers. Un bel exercice d’égocentrisme sous couvert d’altruisme. Comme toujours. A Reporters Sans Frontière on pratique sans pudeur « Le poids des mots, le choc des photos » détournement militant du vieux slogan d’un célèbre magazine people. Mais leur tragédie tient entière dans ce rapprochement : se vouloir la conscience morale du monde et se montrer incapable de dépasser la leçon de morale, la bonne vieille « agit’ prop » de gauchistes atrabilaires. « Notre capacité de faire avancer le monde est nulle. Alors admirez notre capacité de nuisance » nous assènent les donneurs de leçon.
C’est curieux cette façon d’accaparer un évènement d’envergure mondiale pour s’en faire le porte-parole. Troublant tout de même ce penchant à vouloir parler au nom d’autrui pour faire parler de soi. Les gourous ont toujours un nombril hypertrophié. C’est même à cela qu’on les reconnait.
La fête est gâchée
La fête est gâchée, mais Reporters Sans Frontière n’en a cure. Chez les Ménard’s boys le monde est toujours rétréci, réduit à une seule dimension. Vous, cher lecteur vous êtes capable de voir le monde sous une infinité d’angles, de porter votre regard successivement dans une multitude de directions, de l’enrichir en croisant les perceptions. Et, plus vous multipliez les croisements plus le monde vous apparait complexe, mouvant, incertain. Alors vos conclusions et mises en perspective gardent un caractère perpétuellement provisoire ; prennent garde de ne fermer aucune porte, de ne rien considérer comme définitif, achevé. Eux au contraire, sont enfermés dans une perception monomaniaque. Le monde est perçu sous un seul angle (parmi une infinité de possibles) mais avec la certitude qu’il embrasse, ce regard unique, toute la richesse de l’humanité à lui tout seul. Du coup, convaincus que leur opinion a épuisé le sujet, ils sont persuadés que leur jugement doit clore le débat. Par suite, toute mise en perspective qui ne révère pas leur extra lucidité leur est insupportable. L’oracle a parlé. Il n’y a qu’une seule voie, la sienne. Présomptueux. Et en surfant sur les pics de médiatisation, d’une bonne cause à l’autre, d’un continent à l’autre, chaque nouvel évènement suscite un nouveau regard unique, à tonalité toujours totalisante. Chaque nouveau regard sur le monde du révérend Ménard épuise toute autre considération sur le sujet. Ménard sait. Ménard sait ce qui est bon pour chacun, n’importe où dans le monde.
La fête est gâchée. En obligeant les responsables de la sécurité à isoler la flamme olympique derrière un cordon policier, en s’évertuant à provoquer des interventions policières tout au long du parcours on transforme en mascarade ce qui est promesse d’un monde meilleur. Comme si jouer à humilier aux yeux du monde entier le gouvernement de son propre pays était une activité hautement responsable. Oubliant que la responsabilité foncière d’un gouvernement est de cultiver un regard complexe sur un monde complexe, non de sombrer dans un messianisme militant ; oubliant que la responsabilité d’un gouvernement est de travailler en même temps sur le long terme et le court terme, non de sacrifier l’un au nom de l’autre ; oubliant que la responsabilité d’un gouvernement est d’abord une responsabilité d’État face à d’autres États ; oubliant que le registre politique d’un État ne peut se confondre avec le registre politique de citoyens libres. Ils ne disposent pas des mêmes outils, n’ont pas les mêmes perspectives ni dans le temps, ni dans l’espace. C’est crétin de vouloir réduire le registre politique d’un État souverain à celui d’un groupe de lobbying. Des citoyens libres seraient bien inspirés de songer à ceci : l’un n’exclut pas l’autre, hormis dans les visions totalitaires. Les deux ont leur raison d’être. Ils se complètent.
Prêcheur frénétique
Cette insistance à vouloir humilier le gouvernement chinois aux yeux du monde entier et à ceux des Chinois en particulier est-elle une stratégie intelligente eu égard aux intentions proclamées ? Elle révèle plutôt l’ignorance de quelques prêcheurs frénétiques, notamment celle-ci que dans le monde vivant, les sociétés humaines ne changent pas à la vitesse des rêves, même les mieux intentionnés. La tragédie Irakienne le rappelle chaque jour. La démocratie et les droits de l’homme sont le fruit potentiel d’une longue mise en œuvre humaine, pas un don du ciel prêt à consommer. Les sociétés humaines changent sur le temps long. La Chine s’engage à peine sur la voie et on voudrait qu’elle soit déjà au bout du chemin. Inconséquent. La Chine et les Chinois sont fiers de montrer à la Terre entière le chemin parcouru. L’organisation des Jeux olympiques est pour eux un début de reconnaissance internationale. Sachons ne pas mépriser cela. Ce qui n’interdit pas de manifester et de débattre.
Cependant, à vouloir étaler sur la place publique les vilains défauts d’autrui on finit souvent par en révéler bien davantage sur soi-même que sur autrui. La mégalomanie d’un Robert Ménard est apparue dans l’après-midi, quand fut dévoilé le grand secret, limpide comme une révélation. Le ludion médiatique était invisible depuis le départ du cortège à la tour Eiffel. Cela ne lui ressemblait guère. Les medias s’interrogeaient. Que lui arrivait-il ? La réponse vint enfin. Tudieu, le saint homme était monté de nuit en catimini dans les tours de Notre-Dame et venait de déployer une banderole au-dessus de la grande rosace. De là, joint au téléphone par France-Info, il s’offrait même le luxe de s’apitoyer sur son sort. Avoir bravé la froidure nocturne, ça vous pose un homme ça monsieur. Il avait gravi son Golgotha à lui. Et de là-haut il était à son affaire. Plus près de toi seigneur pour faire la leçon aux hommes en bas. L’ancien donneur de leçons de la Ligue communiste révolutionnaire, avait eu dans sa jeunesse des velléités d’entrer dans les ordres. Chassez le naturel… La posture de directeur de conscience est une vocation irrépressible. Allez Robert, courage : Quand la France s’éveillera, la Chine tremblera.
[…] hypertendus du nombril, à côté de noms aussi prestigieux que ceux d'Edgar Morin, Jacques Attali, Robert Ménard. Mais il y a un truc qui cloche dans sa nouvelle lubie, ou plus exactement dans la nouvelle […]