8 – La gauche française ? (suite)
Vers une société de responsabilité

Écrit le 20 avril 2008 par Jiceo

Peut-on amorcer la défense et illustration d’une société de responsabilité sans passer par un préalable? Celui-ci: comment se fait-il que nous soyons réduits à devoir exhumer ce qui constitue la pierre angulaire de l’action politique et du statut de citoyen (les deux; l’un ne va pas sans l’autre) dans une démocratie? Et, qui devrait donc être connue de tous et reconnue comme telle et pratiquée comme telle: la responsabilité. La responsabilité politique cela ne consiste pas à savoir ce qu’il faut faire, mais à le faire soi-même. Le catéchisme à coloration humanisto-marxisante ne pourra pas indéfiniment se faire passer pour ce qu’il n’est pas.

Mes premiers gestes d’électeur, au milieu des années 1970, furent en faveur du PS, après avoir été adhérent du PSU dans une jeunesse plus précoce. Mais électeur pragmatique, qui recherchait des réponses pratiques à des questions concrètes. Voilà pourquoi je ne fus pas un déçu du mitterrandisme. Je n’attendais pas l’avènement du paradis sur terre après le 10 mai 1981. J’espérais juste que devenu parti de gouvernement le PS développerait, peu à peu, un discours de parti de gouvernement. Je supputais que par la force des choses le PS serait amené à renforcer sa cohérence interne (et donc sa force politique) en rapprochant son discours de ses actes. Et que cette dynamique-là amorcerait enfin l’entrée de la France dans l’univers pacifié de la démocratie moderne. Ce qu’on appelé le tournant de la rigueur en 1983 aurait dû être le déclencheur de cette dynamique-là; de la descente du nuage idéologique; du retour sur terre.

Ignorance endémique

La démocratie moderne, caractérisée par la prééminence de deux grands partis, l’un plutôt conservateur, l’autre plutôt réformateur, tire sa force de la reconnaissance par l’un et l’autre des fondations sur lesquelles est assis le progrès social: le développement économique. C’est précisément le trou noir de la pensée politique française, au fond duquel elle tente de contenir son cher tabou: l’économie. Car l’économie c’est sale. L’ignorance endémique de la société française à son sujet facilite la propagation des réductions caricaturales. L’économie c’est l’argent, et l’argent c’est sale. Simple et pratique, beaucoup plus abordable que la mise en perspective des échanges; de la circulation des biens, de la monnaie, des informations…

Porté par sa propre énergie positive

Depuis un siècle et demi l’intelligentsia française, sure que l’économie c’est le mal, continue d’agiter désespérément ses lumignons au fond de l’impasse anticapitaliste où elle a conduit les Français, et où ils sont bloqués. La force de la démocratie moderne, a contrario, en institutionnalisant l’alternance politique dédramatisée, n’est rien d’autre que sa propension à libérer les capacités d’adaptation au changement de ses membres, des groupes et organismes qu’ils animent. Force d’autant plus précieuse que la globalisation de l’économie en phase d’accélération notoire bouscule en profondeur des équilibres, qui au demeurant ne l’étaient qu’en apparence puisqu’ils sont par nature éternellement provisoires.

Construite exclusivement sur un registre «anti*», la pensée politique française, celle de gauche, s’est sclérosée. Réduite à ne se constituer que «contre» (ce qui est mis en œuvre par d’autres, forcément) elle n’existe pas par elle-même porteuse d’un projet assis sur des fondations solides et connues. Elle a oublié que pour demeurer vivante (comme toute activité humaine) elle doit être portée par sa propre énergie positive. Au lieu de quoi elle s’épuise à vouloir bloquer l’éner­gie de ce qu’elle veut concevoir en ennemi, et rien d’autre. Oubliant juste que si elle est ce qu’elle est, elle le doit natu­rellement au développement économique, aussi.

L’action politique qui veut dans le monde contemporain se déployer de façon autonome, hors notamment de toute réflexion économique, est un exercice continu de pusillanimité. La responsabilité politique, commence non pas avec le discours moral sur la nécessité du développement social, mais avec la prise en compte de son corollaire, l’interrogation permanente sur les conditions du développement économique, fondement du développement social.


* anticapitaliste, anti-impérialiste, antilibéral… Mais, «anti» la particule magique surexploitée a épuisé ses charmes tant elle a montré ses limites dans le monde vivant. Alors, frappée d’un fort coefficient de vétusté elle se voit supplantée peu à peu par la nouvelle coqueluche: “alter”. Toutes choses égales par ailleurs.

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