Éducation nationale
Encore une grève, une de plus

Écrit le 20 novembre 2008 par Jiceo

Comment s’étonner que les relations sociales soient dans l’impasse lorsque le comportement de tout un corps de métier consiste depuis plus de trente ans à dire non a priori à toute proposition avec l’arrogance de ceux qui savent ; à refuser tout projet de réforme en manifestant  » contre  » systématiquement, exclusivement. Je pense bien sûr à cette corporation à haute valeur symbolique dans notre république que constituent les enseignants.

La valeur morale, l’exemplarité autrefois attachées à leur fonction et à leur personne, ont fondu comme neige au soleil, et avec elles le respect qu’ils inspiraient. Et ils n’y seraient pour rien ? Je ne suis pas en train de dire que les enseignants sont responsables de tous les maux de notre société. Mais il n’est pas impossible que dans ce registre-là, ils aient aussi quelque raison de se regarder dans le miroir. Ce n’est évidemment pas les personnes qui ici sont en cause. Ce qui est en cause c’est la culture dominante, pusillanime, d’un groupe social. Bien sûr le métier est aujourd’hui parmi les plus difficiles. Mais ce n’est pas parce que le métier est difficile que l’irresponsabilité est légitime. D’autant qu’il est fort probable que les difficultés d’aujourd’hui entretiennent quelque lien avec l’idéologie et les pratiques qui furent dominantes depuis le début des années 70 jusqu’à il y a peu.

Propriétaires d’une charge d’État

Ce comportement est assez typique du refus généralisé dans la société française de composer, de dialoguer, d’échanger pour avancer. Depuis plus de trente ans j’ai toujours entendu les enseignants dire non ; non à tout ce qui n’est pas eux ; non à tout ce qui provient d’une quelconque autorité, y compris légitime en démocratie comme le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et ses représentants locaux inspecteur d’académie, préfet… Réfutant au passage leur propre culte de la méritocratie scolaire (culte abominablement réducteur puisque seul à leurs yeux le diplôme est source d’excellence) qui vient se briser sur le miroir que lui tend la République : la quasi totalité des élus, des ministres, des hauts fonctionnaires, des préfets qui interviennent dans le champ de l’Education nationale sort du sérail ou du moule de l’ENA, expression accomplie s’il en est de cet élitisme républicain. A croire que la méritocratie scolaire débute avec la réussite au concours de l’IUFM et s’achève avec l’obtention du CAPES, et que en-deçà comme au-delà s’étend le règne de la médiocrité.

Une attitude qui finit par donner le sentiment d’avoir à faire à une caste de propriétaires d’une charge d’Etat qui défend ses intérêts. Propriétaires à qui justement l’État aurait des comptes à rendre, mais eux jamais. Singulier renversement de responsabilité qui fait oublier que la délégation que leur donne l’État est subordonnée à l’acceptation par eux de son autorité sous laquelle ils exercent. Et qui donc incarne en toutes circonstances l’autorité légitime de l’État, sinon le gouvernement issu d’élections régulières ? Manière de dire enfin que la politique de l’enseignement n’est pas le domaine réservé du corps d’État chargé de la mettre en œuvre. Elle est institutionnellement le domaine de compétence du ministre qui en a la charge sous le contrôle de la représentation nationale. Elle est politiquement l’affaire de toute la société.

L’autorité de l’État bafouée

Comment continuer d’ignorer l’effet dévastateur sur la jeunesse de la contestation systématique, par ses propres professeurs, de l’autorité de l’État, lieu pourtant effectif autant que symbolique de l’élaboration continue du contrat social de La République ? Autorité au demeurant re-légitimée régulièrement par la pratique démocratique.

Comment le déni permanent de l’autorité de l’État par ceux qui se glorifient d’incarner les valeurs de la République ne finirait pas par déteindre sur l’ensemble du corps social? Bien sûr les enseignants ne sont pas responsables seuls du malaise de la société. Ils y ont peut-être simplement leur part comme tout citoyen. Et il serait probablement plus sain qu’ils l’acceptent plutôt que charger sempiternellement le bouc émissaire naturel qu’est l’État, son gouvernement, son ministre de l’Éducation incompétent par définition, l’inspecteur d’Académie incapable par nature, les parents qui se déchargent sur les enseignants…

A rejeter sans cesse sur autrui toute responsabilité on perd le sens des siennes propres. Par quel dévoiement culturel la corporation enseignante s’est-elle rendue incapable d’imaginer s’assoir à la même table que tous les autres protagonistes, à égalité, avec le même statut, en reconnaissant qu’ils n’en savent pas davantage que quiconque sur le malaise de la société, sur le malaise de l’école et leurs éventuels remèdes? Et que l’intérêt bien compris de la société est d’en parler sans réserve. Les enseignants ne sont pas propriétaires de l’Education nationale. Les enseignants ne sont pas titulaires de la décision politique en matière d’enseignement. Ils n’ont pas en charge la politique éducative du pays. Ils ont mandat de la mettre en œuvre. Non décidément, l’enseignement est une chose trop sérieuse pour être laissé aux seuls enseignants.

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