Jacques Chirac renvoyé en correctionnelle
Ça lui en touche une, sans bouger l’autre

Écrit le 5 novembre 2009 par Jiceo

Jacques Chirac et Dominique de Villepin confrontés à la justice ; les deux images se sont télescopées à quelques semaines d’intervalle. Leur rapprochement a exacerbé le contraste entre les protagonistes, jetant une lumière cruelle sur leurs qualités et leurs limites respectives, sur la réussite de l’un et le fiasco de l’autre. L’un a l’élégance naturelle du cynique qui trace sa route sans se soucier des grincheux. L’autre est prisonnier d’une morale ancillaire qui l’empêche de s’élever. L’un trouve spontanément le ton juste dans les situations délicates. L’autre s’enferre dans des dénis alambiqués et théâtralisés qui le discréditent.

Jacques Chirac renvoyé devant le tribunal correctionnel la joue classe au micro d’Europe 1 ce jeudi 5 novembre : « La juge, Mme Simeoni, a estimé devoir me renvoyer devant le tribunal correctionnel. J’ai simplement pris acte de sa décision. Même si naturellement je conteste son analyse.. Aujourd’hui on me reproche d’avoir recruté des personnes qui n’auraient pas eu de lien avec l’action municipale, je conteste formellement cette affirmation… Ces emplois avaient tous une raison d’être pour la ville et pour le maire de Paris… J’irai donc tout naturellement, comme tout citoyen a le devoir de le faire, m’expliquer devant le tribunal, et ceci croyez-le bien avec sérénité et détermination car je n’ai rien à me reprocher… » On n’est vraiment pas obligé de le croire sur parole, maître Jacques, mais que voulez-vous, lorsqu’il réagit par ces mots-là sur ce ton-là à l’annonce de son renvoi devant la justice on ne peut que saluer l’artiste.

Le jour et la nuit

Quel contraste avec ce pathos théâtralisé que nous a infligé Dominique de Villepin cité à comparaitre dans le procès Clearstream, avec ces numéros grotesques dans la salle des pas perdus du palais de justice. Il croit qu’être convoqué au tribunal est une déchéance. Il croit que le ciel va lui tomber sur la tête. Alors il panique, il s’emporte, il étale au grand jour ses limites montrant au pays qu’il n’a pas les qualités d’un chef d’État. Bref, il se ridiculise quand son maître reste de marbre. Entre le secrétariat général de l’Elysée et le bureau présidentiel il y a bien plus que les quelques mètres qui les séparent. Il y a la même différence qu’entre le jour et la nuit ; la même différence qu’entre une culture politique et un savoir académique.

Et il sait notre past-président qu’il a de bonnes raisons de rester impassible. Il sait lui qu’une carrière politique ne pâtit pas de décisions de justice. Les aventures judiciaires de Patrick Balkany, Alain Juppé ou Serge Dassault n’ont en rien altéré leur notoriété. A la première occasion, les électeurs se sont empressés de les plébisciter. Il se rendra donc serein au tribunal maître Jacques. Il sait tout cela. C’est ça la culture politique. Les Français (les autres aussi peut-être) ne se cherchent pas un saint-homme pour diriger leur pays. Ils veulent quelqu’un qui les rassure et qui leur raconte de belles histoires de temps en temps. En contrepartie, ils tolèrent que leurs élus jouent un peu avec l’argent public, un péché véniel. Jacques Chirac peut donc jouer sereinement à respecter la justice de son pays : ça lui en touche une sans bouger l’autre.

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