Le PS et la retraite à 60 ans
La doctrine de la foi réaffirmée

Écrit le 27 janvier 2010 par Jiceo

Le conseil national du PS, réuni mardi 26 janvier en congrégation pour la doctrine de la foi, s’est empressé de faire rentrer dans le rang la sacrilège Martine. Pensez-donc, elle avait osé transgresser le dogme de la retraite à 60 ans. Par-dessus le marché en suggérant que sur cette question cruciale qui concerne tous les Français, et sur le long terme, il ne serait pas incongru de travailler de concert avec le gouvernement pour élaborer une politique viable. L’hérétique échappe à l’excommunication mais elle a dû faire pénitence en venant manger son chapeau en public sur le plateau de TF1.

On ne bouscule pas impunément le conservatisme du parti. Les velléités révolutionnaires de Martine Aubry ont été dissoutes dans le principe de réalité qui gouverne le PS. Un principe de réalité fondé sur une intuition lucide : l’exercice du pouvoir salit les mains. Or, avec les mains sales c’est l’image de soi qui pâtit, l’image de pureté qu’on voudrait incarner pour l’éternité ; une image de soi enfantine. La perfection morale, n’est-ce pas, ne peut s’accommoder de la moindre concession. Après tout pourquoi pas, à condition d’être cohérent en se retirant du monde pour prier ou méditer, et d’être conséquent en s’abstenant de toute intervention publique. Mais la posture est piteuse pour qui se flatte de faire de la politique, a fortiori en se présentant comme parti de gouvernement. Toutefois, la dérobade est au cœur de la culture socialiste. L’idéal militant s’apparente à la quête du Graal : faire de la politique sans avoir à assumer quelque responsabilité politique que ce soit. Voilà pourquoi ils prennent soin de n’être jamais en situation de gouverner.

Plutôt la chienlit que l’élaboration en commun de l’intérêt général

Dans un article du 20 janvier, « Retraites : le PS veut entrer dans le débat sans tabou » LeMonde.fr avait rendu compte de l’ouverture de Martine Aubry à propos des retraites. Pour ma part, favorablement disposé à l’égard de cette évolution (majeure) mais rendu dubitatif par l’expérience, je m’étais fendu d’un petit commentaire : « Enfin le PS descend de son nuage idéologique. Pourvu que ce soit pour un séjour prolongé sur terre et pas seulement un petit voyage en touriste qui se traduirait par une remontée précipitée à la première difficulté. »

Manifestement mon doute était fondé, puisque la première difficulté n’a même pas trait au fond du sujet, l’élaboration d’un financement viable des retraites ; la première difficulté est une obstruction interne. Le dogme paraît indissoluble. Un dogme en deux parties : l’une publique, l’autre voilée, honteuse. Sa partie dicible est constituée par le principe lui-même de la retraite à 60 ans, marqueur idéologique anachronique mais considéré comme indépassable. Sa partie indicible est constituée par l’ouverture à la collaboration opérée par la première Secrétaire. Voilà le cœur de l’hérésie : travailler à l’intérêt général avec un gouvernement de droite est inconcevable pour les militants démocratiques du Parti socialiste. C’est le noyau dur du dogme. Plutôt la chienlit que l’élaboration en commun de l’intérêt général.

Le militantisme c’est l’égoïsme érigé en vertu collective

Ce comportement conservateur est particulièrement pervers. Le problème du financement des retraites est connu depuis longtemps. Dès les années 1970 quelques experts, démographes, économistes l’avaient soulevé. Michel Rocard fut le premier politique à le mettre sur la table alors qu’il était premier Ministre de François Mitterrand. Il y a 20 ans déjà. Chaque année qui passe rend encore plus difficiles (lourdes de conséquences) les décisions que de toute façon il faudra prendre ; non seulement pour assurer l’avenir, mais d’abord pour solder les comptes du présent. L’irresponsabilité de la gauche politique et syndicale est majeure dans ce dossier qui traine en longueur. Les militants politiques et syndicaux soumis à leur culture traditionnelle de la confrontation, et pour préserver les avantages acquis, refusent la négociation. Mais aveuglés par leurs petites certitudes, ils ne parviennent pas à voir que c’est l’avenir de leurs propres enfants qu’ils plombent. Le militantisme c’est l’égoïsme érigé en vertu collective.

Dans un an, ce sera le 30e anniversaire du 10 mai 1981. Une date mythique pour la gauche, celle qui marque la fin de deux décennies d’éclipse totale inaugurée par De Gaulle en 1958. On aurait pu penser que le retour au pouvoir du PS l’aurait conduit à élaborer une culture de parti de gouvernement en cohérence avec son statut de parti de gouvernement. Et qu’ainsi armé il aurait inséré sa pratique dans un jeu démocratique apaisé et du coup serait resté dans la course politique. Il n’en a rien été. Trente ans plus tard, le PS continue de psalmodier le vieux langage militant radical. La pensée est stérilisée. La sclérose s’étend. Et depuis 15 ans non seulement il n’est plus dans la course, mais il fait ce qu’il faut pour ne pas y revenir.

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