Du grand malheur français : déjà vieux à 18 ans

Écrit le 8 octobre 2010 par Jiceo

• Quelle grande malédiction a bien pu s’abattre sur le pays, ce drôle de pays, pour en arriver là? Quelle désolation. A 8 h 30 ce jeudi matin 7 octobre ma route croise celle d’une troupe de lycéens dans les rues de Challans, petite ville de Vendée, vingt mille habitants.

– Qu’est-ce que vous faites-là à cette heure-là ?

– On manifeste… claironne l’un; pour nos retraites fanfaronne un autre.

Un silence dubitatif s’ensuivit, le temps de me persuader que j’avais bien compris. Puis je pris congé abasourdi :

– Allez, bonne journée les vieux.

Existe-t-il un autre pays au monde où l’on passe directement de l’enfance à la vieillesse?  Existe-t-il un autre pays au monde où les (prétendus) adultes, parents et professeurs conditionnent ainsi leurs enfants à l’attente morbide de la retraite? Existe-t-il un autre pays au monde où à 18 ans déjà, le désir de vivre s’étiole dans l’attente languissante du retrait du monde? Être vieux à 18 ans, quel grand malheur. Mais comment le désir de vivre pourrait-il s’épanouir chez des jeunes gens qui, comme ailleurs, miment les modèles que leur proposent leurs ainés (Les lycéens kiffent trop la langue de bois syndicale)? Comment s’étonner que des modèles pervers induisent des effets pervers?

« La liberté de dépenser »

Y a-t-il plus malheureux qu’un Français sur Terre? Il faut se rendre à l’évidence, la réponse est non. Et, s’il fallait une nouvelle preuve, la voici. La France détient le record mondial de grèves et de manifestations. C’est donc que les Français sont malheureux. CQFD. Comment pourrait-il y avoir une autre explication? Il serait facile d’ironiser en jetant le doute sur la perspicacité du regard qu’on peut porter sur soi-même. Mais ici les actes correspondent aux sentiments. Et ça, ça ne trompe pas mon bon monsieur. Le hasard seul expliquerait que l’occupation principale des Français est la lutte pour l’obtention d’un statut de victime? Que nenni. C’est le malheur chronique des Français, consubstantiel à la citoyenneté française, qui explique cette obssession. D’ailleurs pour le comprendre tout à fait, il suffit de voir comment les vieux sont traités en France.

Il faut voir la moyenne d’âge dans les aéroports Français. Il faut imaginer toute la misère qui se cache dans les vols charters vers les pays méditerranéens, vers les Antilles, vers l’océan Indien. Il faut voir le nombre de têtes chenues exilées dans les hôtels trois ou quatre étoiles de Marakkech à Essaouira, de Hammamet à Djerba, d’Izmir à Bodrum, de la Martinique à la Guadeloupe, de la Réunion à l’Ile Maurice,… Il faut voir le nombre de têtes chenues jetées sur les routes du nomadisme dès 55 ans dans des camping-cars rutilants, de Quimper à Biarritz, de Valence à Barcelone, de Perpignan à Nice, de Venise à Naples… Il faut le voir pour le croire. Si c’est pas malheureux de traiter les vieux comme-ça. Charles Aznavour l’avait ressenti ce malheur français. «Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil» avait prophétisé le pauvre troubadour avant de trouver refuge dans la généreuse Suisse. Mais il lui reste l’essentiel, comme à nos vieux exilés, comme à son disciple Florent Pagny: la liberté de dépenser. Misère. Misère.

Laissez les rôles de vieux cons aux vieux

Allez jeunes gens, arrêtez de mimer parmi vos ainés ceux qui fuient la vie. Laissez les rôles de vieux cons aux vieux. Arlette Laguillier se vante d’avoir toujours dit (et pensé?) la même chose. Autrement dit, à 18 ans elle racontait déjà ce qu’elle psalmodie encore à 70 ans. Déduction tragique: elle était déjà vieille à 18 ans. En d’autres termes, la vie lui est passé dessus sans la toucher. Jeunes gens, fuyez les paradis intellectuels. Jetez-vous dans la vie.

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