C’est la faute à Voltaire, c’est la faute à Rousseau…
C’est la faute à l’Europe, c’est la faute à Merkel

Écrit le 1 décembre 2011 par Jiceo

On finirait par le prendre en pitié Arnaud Montebourg, tant ses efforts pour faire parler de lui sont désespérants. «Mme Merkel a décidé d’imposer à la zone euro un ordre allemand», a-t-il déclaré à l’émission « Questions d’info » (LCP – France Info – Le Monde – AFP) mercredi 30 novembre. «C’est l’importation des exigences, des diktats allemands sur ce qui restera de la zone euro après avoir expulsé les pays qui ne peuvent pas s’en sortir.» Très en verve, le député PS de Saône-et-Loire a ajouté : «La question du nationalisme allemand est en train de resurgir à travers la politique à la Bismarck employée par Mme Merkel (…). Ça veut dire qu’elle construit la confrontation pour imposer sa domination». Fermez le ban !

Le preux défenseur de la veuve et de l’orphelin s’est laissé aller, une fois encore, aux délices de la vieille culture française : «C’est la faute à Voltaire, c’est la faute à Rousseau». On connaît la chanson. Deux siècles plus tard «c’est la faute à Sarko», autant que faire se peut quand il s’agit de l’état de la France. Et quand cela ne suffit plus la ressource en boucs émissaires est infinie. «C’est la faute au système, c’est la faute au capitalisme, c’est la faute à la Ve République, c’est la faute à la mondialisation, c’est la faute à l’Europe, c’est la faute à Merkel..». Fichtre, quelle bluffante perspicacité politique affiche notre ex-candidat à la primaire socialiste ! Victimes, perpétuellement victimes les braves Français. Éternellement étrangers à l’idée même de responsabilité. On n’est pas sorti de l’auberge avec un gugusse pareil.

Cette incapacité foncière à percevoir nos propres faiblesses comme source de nos propres maux pour leur chercher exclusivement des causes externes est rédhibitoire. Elle est pourtant largement répandue ; comme signe d’une indécrottable paresse intellectuelle. A croire que c’est «l’ordre allemand» qui a endetté la France depuis 35 ans ; à croire que c’est «l’ordre allemand» qui a imposé la retraite à 60 ans en France sans se préoccuper du financement ; à croire que c’est «l’ordre allemand» qui a imposé les 35 heures à la France pour dynamiser la compétitivité allemande… Il m’arrive d’avoir honte d’être Français quand j’entends de pareilles billevesées. Mais le pire est ailleurs. Quiconque prétend devenir ministre de la République avec une vision aussi étroite du monde est un danger pour son pays.

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2 commentaires sur “C’est la faute à Voltaire, c’est la faute à Rousseau…
C’est la faute à l’Europe, c’est la faute à Merkel”

  1. :) dit :

    Que c’est beau. On entend le même refrain depuis des décennies. D’abord avant le régime de vichy qui engendra celui-ci. Puis l’amour des état-unis des années 60. Puis l’extase devant le modèle japonais et enfin depuis une dizaine d’année celui du modèle allemand.

    Bref, la pensée de M. Montebourg est bien plus pertinente que vous ne le voudriez. Bien plus que la votre en tout cas.
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    Cher lecteur,

    Je veux bien des tas de choses, y compris que la pensée de M. Montebourg soit plus pertinente que la mienne. Toutefois j’ai la faiblesse de vous rappeler que la pertinence en politique ne se mesure pas à la capacité de fanfaronner sur des estrades. Elle se mesure à la capacité de prendre des décisions, et de les assumer, avec y compris leurs effets secondaires indésirables. S’il suffisait de dénigrer les actes et décisions de nos gouvernants pour résoudre les problèmes qui se posent dans une société vivante, alors la France serait « Le » paradis terrestre, et depuis des lustres. Car il ne vous a pas échappé que nous sommes champions du monde dans la création de chimères politiques. Et ça ne date pas d’hier. La littérature romantico-politique ça nous connait; elle s’épanouit dans les registres de la protestation stérile, du dénigrement, du commentaire infécond.
    Vous avez parfaitement le droit de haïr les États-Unis, le Japon, l’Allemagne. L’auto-persuasion incantatoire peut apaiser l’angoisse du lendemain; momentanément. Mais je vous fiche mon billet que ce n’est pas avec ces fantasmes-là que vous allez financer la retraite à 60 ans, les 35 heures, l’assurance maladie, que vous allez assainir la dette colossale qui continue de courir. Il faudra un peu plus de lucidité et de courage politique. A moins que la protestation indignée suffise à votre bonheur…

  2. :) dit :

    >la pertinence en politique ne se mesure pas à la capacité de fanfaronner sur des estrades. Elle se mesure à la capacité de prendre des décisions, et de les assumer, avec y compris leurs effets secondaires indésirables.

    La seule différence étant que M. Montebourg n’est pas en position d’appliquer ces idées. Ce n’est donc là que son avis sur ce problème.

    Le reste de votre réponse n’a que peu de rapport avec cette position sur la question allemande.

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