Surprise, surprise ! Nathalie Arthaud agrégée d’économie et de gestion !

Écrit le 15 avril 2012 par Jiceo

J’ai failli tomber de cheval (de ma chaise) ce matin-là (2 avril 2012) à la deuxième phrase de Jean-Jacques Bourdin interviewant Nathalie Arthaud sur BFM-TV : «Vous êtes candidate à la présidentielle pour Lutte ouvrière Nathalie Arthaud. Vous êtes agrégée d’économie et de gestion…» What ? Pas possible ? J’ignorais presque tout de Nathalie Arthaud jusqu’à cet instant-là, hormis son statut de novice, épigone désignée de la mère catéchèse Arlette ; celle-là même dont les rodomontades hargneuses se sont momifiées en un sketch dérisoire avant de se dissiper dans le bruit de fond du monde. Je la savais enseignante Nathalie Arthaud mais agrégée d’économie et de gestion ! Saperlipopette ! Ai-je bien entendu ? Non seulement agrégée d’économie mais encore de gestion.

Une question surgit immédiatement in petto, impérieuse : comment concevoir que ces flots de banalités déversés à longueur de meeting et d’interview puissent tomber de la bouche d’une agrégée ? Le reliquat de préjugé qui me restait sur le sujet (des agrégés) suggérait qu’a minima il y avait incompatibilité entre le ramage et le plumage. Et que plus vraisemblablement (tout de même) ils étaient antinomiques. Pendant quelques secondes je crus à une hallucination auditive. Mais l’interview se poursuivant je dus me rendre à l’évidence. C’est bien une agrégée d’économie et de gestion l’auteure de cette pensée réduite à la psalmodie d’un chapelet de bons sentiments. Si ce n’est pas au-dessus de vos forces, écoutez son interview, ou lisez-là ci-dessous. Elle éclaire (magistralement, à condition de ne jamais oublier que c’est une agrégée qui parle) l’indigence de la culture économique qui plombe le pays. Mais quoi d’étonnant ? L’enseignement scolaire censé l’amorcer, la culture économique des jeunes Français, patauge manifestement en terre inconnue. Voilà qui en dit long sur la nature (le niveau?) des diplômes français. Voilà qui en dit long sur l’idéologie française du diplôme dans laquelle les savoirs académiques fossilisés tiennent lieu de brevet de compétences universelles.

«Obliger le patronat à embaucher»

Une compilation de circonlocutions oiseuses ne peut décemment pas prétendre au titre de pensée. Jaugez ses réponses sibyllines, terrifiantes d’inconsistance à travers ces quelques extraits.

– Est-ce qu’on parle de politique dans votre lycée, et avec les élèves lui demande l’interviewer ?
– Vous savez les élèves ils se posent des questions quand même sur la crise… (analyse d’agrégée)

Et plus loin après avoir dénoncé « le cirque électoral », l’intrépide candidate illumine enfin le débat de ses audacieuses conceptions et de la politique et de l’activité économique : «ce n’est pas en votant « bien » le 22 avril ou le 6 mai qu’on va se mettre au travers des fermetures d’entreprises. Aucun travailleur n’a l’illusion que le futur gouvernement leur octroiera des augmentations de salaire ou, enfin, obligera le patronat à embaucher les jeunes.» En somme le chômage disparaîtra lorsqu’on obligera le patronat (!) à embaucher. Et, comme seul l’État est à même «d’obliger» le patronat, la boucle est bouclée : la politique ça consiste à occuper l’État pour obliger le patronat à embaucher. CQFD. «Se mettre en travers des fermetures d’entreprise… obliger le patronat à embaucher les jeunes..». Propos d’une agrégée d’économie tout de même ! Après cet échantillon, essayons d’imaginer quels échanges de haut vol peuvent bien se nouer dans les salles de profs, quand l’élite plafonne au stade suprême du slogan. Étape suivante, sur ces fondements-là, essayons d’imaginer quelle valeur ajoutée (aux savoirs académiques, expression manifeste ici d’un monde virtuel) les enseignants peuvent-ils bien apporter à leurs élèves pour les préparer à entrer dans le monde adulte. Brrr.

Le chômage, un concept abstrait agité comme un épouvantail

Le chômage, comme ici dans la représentation d’une agrégée d’économie, n’est en France bien souvent qu’un concept abstrait, agité sur la place publique comme un épouvantail. Comme si l’emploi salarié existait en soi, dans l’absolu, sans lien avec l’activité économique, hors du marché, détaché de l’entreprise, comme une catégorie autonome, une pure abstraction en somme. S’il suffisait de se plaindre du chômage pour créer de l’emploi, la France serait championne du monde avec un taux de chômage égal à zéro. Car en matière d’agitation verbeuse on peut s’appuyer sur une vieille culture littéraire. Accuser, blâmer, fustiger, ça on sait faire. L’indignation est l’onguent suprême, le b.a.-ba de la culture française : l’irresponsabilité personnelle comme idéal de responsabilité citoyenne. Idéal dans lequel « l’emploi » est un droit résultant mécaniquement du diplôme obtenu.

Or, lutter contre le chômage impose de dépasser la catégorie générique négative « chômage » en lui donnant de la substance ; en la sublimant positivement. Passer de l’incantation contre le chômage à la mise en œuvre d’une dynamique de création d’emploi serait un renversement intellectuel. Il imposerait de penser le processus dans sa globalité, autour de son centre, l’entreprise ; ce qui présupposerait de l’avoir reconnue comme moteur, lequel ne peut fonctionner sans l’entrepreneur. Les deux sont indissociables -pas d’entreprise sans entrepreneur- et ne vivent pas dans une sphère éthérée, immatérielle. Ils sont insérés dans le marché, dans la concurrence, dans l’activité économique globale… Passer de l’incantation contre le chômage à la mise en œuvre d’une dynamique de création d’emploi présuppose la prégnance d’une culture économique propice, ou au moins l’existence d’une ébauche de culture économique. Mais, comment développer la culture économique dans un pays où chef d’entreprise est assimilé à aigrefin ? La France est ce pays de haute culture où l’activité économique est assimilée au mal et où en même temps la baisse d’activité économique est assimilée à une menace de désastre social. Et où le lien entre les deux, entre activité économique et emploi salarié demeure obscur. Et où dans tous les cas les citoyens-accusateurs demeurent spectateurs d’un monde qu’ils subissent en victime.

La révolution, simple comme un tour de bonneteau

Retour à l’interview, pour mettre en lumière cette dérisoire logorrhée sémantique disputant l’appropriation exclusive de l’orthodoxie communiste à Jean-Luc Mélenchon et au NPA de Philippe Poutou.

– Mais quelle est la différence avec Philippe Poutou, finit par demander Jean-Jacques Bourdin ?
– Ben une des différences c’est que moi je me réclame du communisme, voilà. Et c’est important… 

Un mot magique dans lequel se dissout l’indigence d’une pensée coupée de l’histoire des hommes, coupée du monde vivant.

Telle est donc la vision du monde qui se déploie dans le corps des agrégés, cette élite enseignante qui se perpétue par cooptation, cette élite dont la mission pensais-je, sous l’emprise des lieux communs qui me servaient de repères, était de préparer les jeunes français à s’insérer dans le monde vivant (complexe, mouvant, incertain) ? Telle est donc la représentation du monde de l’élite enseignante, réduite à une confrontation entre les bons (travailleuses, travailleurs) et les méchants (capitalistes) et, dont l’issue heureuse repose sur une simple condition, nécessaire et suffisante : que disparaissent les méchants. Les sociétés humaines tomberont dès lors et mécaniquement dans l’éternel bonheur. La lutte finale aura accompli son œuvre. Le monde sera devenu Bon. La révolution c’est simple comme un tour de bonneteau. Faisons disparaitre les traîtres, les déviants et les mal-pensant dans des camps de rééducation pour qu’advienne le règne du Bien : la société communiste. L’élite enseignante française est imperméable à l’Histoire, même récente. Mais c’est l’élite.

La religion révolutionnaire en s’émancipant des contingences terrestres dispute le monopole de la perfection achevée (le paradis terrestre) aux églises instituées (le paradis céleste); et aussi fermement qu’elles puisque comme elles, condition impérative de sa pérennité, elle renvoie sans cesse son avènement au-delà de l’horizon: au lendemain du grand soir pour les uns, au lendemain de la mort pour les autres. Pas de quoi fouetter un chat, certes. Sauf que ces élucubrations ont la prétention de se déployer sous les auspices de la Raison.

 L’élite française de l’enseignement

L’élite de l’enseignement ne peut donc concevoir qu’une société humaine (a fortiori complexe comme le sont nos sociétés développées) est un tout cohérent mais mouvant, en état d’équilibre perpétuel mais perpétuellement instable puisqu’elle s’adapte en continu aux évolutions qui la travaillent ? L’élite française de l’enseignement ne peut donc concevoir que le Mal (capitalisme) qu’elle croit identifier n’est pas étranger au monde qu’elle vilipende (sociétés occidentales industrialisées) comme une excroissance parasite, mais qu’il en est une composante, probablement même celle dotée de la plus grande vitalité et que l’enjeu n’est pas de s’en débarrasser mais de lui reconnaitre la place qui lui revient pour ensuite l’amener à son tour à lui faire admettre quelques limites, y compris dans son propre intérêt qui se confond avec la pérennité de la société ? L’élite enseignante de ce pays ne peut donc concevoir le conflit (les conflits sous leurs multiples formes) comme constitutif majeur d’une société vivante en tant que concentrateur-dissipateur d’énergie ? Son imagination restreinte la contraint à assimiler la société parfaite à une société où le conflit aura disparu. Une société immobile. Une société morte. La société communiste. Le paradis.

Nathalie Arthaud agrégée d’économie et de gestion ! Non seulement agrégée d’économie mais encore de gestion. Jugez l’audace et la créativité d’une agrégée d’économie: «obliger le patronat à embaucher les jeunes, interdire les licenciements, une retraite équivalente à 100% du salaire jusqu’à la mort…» Et de tels talents n’ont pas trouvé à s’exprimer dans l’industrie, dans l’entreprise ? Parce que là ils auraient une utilité directe: créer des emplois. Vraiment dommage. La vie active pourtant serait une excellente école pour de futurs professeurs. Les métiers de la transmission sont si importants, vecteurs essentiels de la vitalité d’une nation. Ils exigent toutefois d’avoir quelque chose à transmettre. Aussi, il serait bon qu’avant de postuler dans l’enseignement, le candidat puisse justifier de dix ans d’activité professionnelle dans la société civile. Voilà une réforme tonifiante à mettre en œuvre. Qui serait tout aussi justifiée pour les métiers du journalisme. Mais ce n’est pas le sujet du jour.

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Interview de Nathalie Arthaud par Jean-Jacques Bourdin

sur BFM-TV (lundi 2 avril 2012)

 

-Vous êtes candidate à la présidentielle pour Lutte ouvrière Nathalie Arthaud, vous êtes agrégée d’économie et de gestion, et enseignante en Seine-Saint-Denis.

– En terminale.

– Tiens est-ce qu’on parle de politique dans votre lycée et avec les élèves ?

– Vous savez les élèves ils se posent des questions quand même sur la crise…

– Parce que quand on a un prof qui est candidate à la présidentielle… j’imagine que vous enseignez toujours, là.

– Non, là j’ai droit à des congés électoraux…

– Des congés électoraux…

– Voilà, 20 jours de congés électoraux. Donc là je les prends pour être disponible complètement dans cette campagne. Maintenant quand je suis au travail je fais aussi mon boulot. Je fais les programmes. Maintenant c’est vrai que les jeunes, les jeunes adultes, avec qui je travaille se posent des questions sur la société, sur la crise, sur le chômage… Évidemment.

– Et ceux qui sont en âge de voter, ils ne se sont pas inscrits ou n’iront pas voter pour la plupart, hein ?

– Ça dépend, c’est variable.

– Parce qu’on parle beaucoup de l’abstention et vous visitez beaucoup d’usines, beaucoup d’ateliers… et elle existe cette tentation de l’abstention. Elle existe Nathalie Arthaud ?

– Bien sûr car il y a un écœurement.

– Un écœurement ? Pourquoi ?

– Parce que vous savez, les travailleurs et les plus pauvres, ils ont appris à leurs dépends que quand la gauche remplaçait la droite au pouvoir, eh bien, rien ne changeait pour eux. Voilà. Le chômage continuait de monter, les licenciements ça continuait, les bas salaires ça continuait. Et donc oui, il y a tout un écœurement. Et voilà, beaucoup se disent, finalement c’est un cirque électoral tout cela et pour nous eh bien rien ne changera Et c’est quand même la réalité.

– C’est un cirque électoral ? Mais quand même vous participez à ce cirque alors Nathalie Arthaud ?

– Euh, oui, tout en le dénonçant, vous voyez.

– Vous êtes un des acteurs du cirque.

– Tout en le dénonçant parce que moi je dis effectivement que ce n’est pas au travers des élections, au travers du vote qu’on peut changer son sort quand on est un travailleur. Parce que ce n’est pas en votant « bien » le 22 avril ou le 6 mai qu’on va se mettre au travers de ces fermetures d’entreprises. C’est pas vrai. Et aucun travailleur n’a l’illusion que le futur gouvernement leur octroiera des augmentations de salaire ou, enfin, obligera le patronat à embaucher les jeunes. Ça vous savez c’est toute l’histoire, mais c’est vécu. Les gouvernements de gauche et de droite se sont succédé et ils ont toujours laissé les patrons faire ce qu’ils voulaient. Toujours, quand ils ne prenaient pas fait et cause pour eux.

– Vous c’est une candidature antipatronale alors, Nathalie Arthaud ? C’est clair.

– Oui c’est une candidature où je dis aux travailleurs, si les élections, effectivement ne permettent pas de changer notre sort, de changer notre vie comme les uns ou les autres veulent faire croire, hein, en se présentant comme les sauveurs suprêmes, que si les élections ne permettent pas ça elles permettent quand même de s’exprimer. Et il faut le faire. Y’a pas de raison de se taire, y’a pas de raison de garder pour soi sa colère ; de garder son poing dans sa poche. Il faut exprimer cette colère. Il faut exprimer ce qu’on pense, c’est-à-dire que le sort des travailleurs changera, oui, quand il y aura des luttes, quand on renouera avec des grandes mobilisations. Celles de mai 68 ou de 36 et c’est comme ça que les travailleurs pourront faire valoir leurs intérêts.

– Nathalie Arthaud vous allez faire valoir vos arguments mais en attendant dans cette élection j’ai remarqué trois séquences. Il y a eu la séquence Bayrou, après sa candidature. Il y a eu la séquence Marine Le Pen et maintenant il y a la séquence Mélenchon. Voilà que Jean-Luc Mélenchon est à la une de tous les journaux. Jean-Luc Mélenchon c’est le défenseur d’un communisme, d’un communisme, allez je le qualifierai d’éclairé. Non ?

– Ah non, vous allez quand même pas…

– Comment le regardez-vous Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Arthaud ?

– Ben écoutez, vous avez déjà dit à Jean-Luc Mélenchon qu’il était communiste ?

– Oui, je lui dirai, je lui ai dit…

– Je crois qu’il ferait une attaque cardiaque. Non, Jean-Luc Mélenchon il est socialiste. Et ce n’est pas parce que Mitterrand a été soutenu en son temps par le Parti Communiste que ça l’a transformé en communiste. Voilà écoutez, excusez-moi, j’ai pas déposé de copyright hein sur le mot communiste, mais si Jean-Luc Mélenchon avait voulu faire des affiches en disant « un candidat communiste », un candidat pour transformer la société, de fond en comble, pour se débarrasser de ce monopole, de cette classe capitaliste qui s’arroge tous les pouvoirs, il aurait pu le faire. Moi je ne l’empêche pas, hein, Jean-Luc Mélenchon. Mais ce n’est pas cela qu’il dit. Lui ce qu’il explique c’est qu’il met ses pas dans ceux de Mitterrand. La politique de Mélenchon c’est la politique de Mitterrand réchauffée, voilà, c’est tout simple. Et la grande différence…

– Et pourquoi Mitterrand réchauffé, pourquoi ?

– Lui-même le dit, lui-même l’explique.

– Vous dites il a été ministre, plusieurs fois ministre Jean-Luc Mélenchon…

– Une fois oui…

– Oui, une fois oui, il a même… c’est lui qui a privatisé Air France…

– Il a beaucoup aimé ça parait-il, il a beaucoup aimé ça, oui. Eh ben nous, la politique de Jospin on ne l’a pas aimée. Voilà. Hein. Quand on est travailleur, quand on est les petites mains…

– Donc il n’est pas anticapitaliste à vos yeux ?

– Mais bien sûr que non, bien sûr que non. Il veut gouverner dans le cadre du capitalisme. Et encore une fois il nous explique qu’un bon gouvernement de gauche, eh bien ça va aider les travailleurs à mieux vivre, voilà. Mais tout ça c’est une duperie. La réalité c’est que c’est le grand patronat qui gouverne. Vous savez si dans cette période électorale ils se retiennent hein les patrons, pour fermer des usines et pour mettre les travailleurs dehors, le 6 mai ça va reprendre. Parce que la réalité, ce qui caractérise je crois cette campagne électorale, c’est pas les personnalités des uns ou des autres qui… euh, c’est la crise, c’est la crise. C’est le fait que depuis trois ans, plus de trois ans maintenant, bientôt quatre ans on est dans une crise, une des plus profondes du capitalisme, et que cette crise regardez ce qui se passe, comment le patronat affronte cette crise ? Eh bien en la faisant payer aux travailleurs. C’est comme ça qu’il sauve ses profits. Ils sauvent leurs dividendes, en amortissant les dégâts de la crise sur le dos des travailleurs, en leur faisant perdre leur emploi, leur salaire. Donc c’est ça la réalité et cette crise elle continuera ; la dette elle sera là le 6 mai.

– Enfin, Laurence Parisot hier n’a pas appelé à voter Jean-Luc Mélenchon hein ? Elle a implicitement appelé à voter pour Nicolas Sarkozy. Donc c’est clair.

– Ah ben attendez Nicolas Sarkozy…

– C’est pas le même camp quand même, vous mettez tout le monde dans le même moule, de Mélenchon à Sarkozy en passant par Hollande et d’autres?

– Non vous savez moi je crois que le patronat a trouvé en Nicolas Sarkozy effectivement son porte parole idéal. Là vraiment je crois qu’il n’y a pas mieux pour eux. Franchement y a pas mieux. Il a fait la politique des plus riches. Il a ce cynisme…

– Et pour vous c’est pareil, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Jean-Luc Mélenchon c’est pareil ?

– Non, parce que je sais que c’est pas le même électorat et ils ne tiennent pas le même discours. Vous comprenez quand Nicolas Sarkozy parle des travailleurs il faut toujours qu’il y ait le mot fainéant, un tout petit peu derrière. Quand il parle des chômeurs il faut toujours qu’il y ait le mot assisté, hein, donc il y a un cynisme, y a un mépris de la part de Nicolas Sarkozy et de la droite qui est évident, qu’on ne retrouve évidemment pas à gauche. Voilà parce que ce n’est pas le même électorat et ce n’est pas effectivement le même discours. Mais au pouvoir, au pouvoir, eh bien qu’est-ce que vous voulez ils sont, comme la droite, pieds et poings liés au mur de l’argent, au pouvoir du capital. Vous savez, écoutez, ces plans d’austérité qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau, qu’on aille de la Grèce à l’Irlande en passant par le Portugal et l’Espagne, pourquoi se ressemblent-ils ? Pourtant à chaque fois il y a des gouvernements différents, des personnalités différentes qui gouvernent, pourquoi ? Parce que ce sont les banquiers, les puissances de l’argent qui les dictent ces plans de rigueur, et on n’y échappera pas si effectivement les travailleurs ne se mettent pas au travers de cette politique.

– Beaucoup d’auditeurs se posent la question, mais pourquoi y a-t-il deux candidats d’extrême gauche, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, à quoi ça sert ?

– Parce que justement dans une élection il faut pouvoir s’exprimer…

– Qu’est-ce qui vous différencie ?

– …et dire tout ce qu’on pense, toutes nos convictions.

– Mais quelle est la différence avec Philippe Poutou ?

– Ben une des différences c’est que moi je me réclame du communisme, voilà. Et c’est important..

– Vous êtes communiste ?

– Moi je suis communiste.

– Vous aimeriez un retour du communisme ?

– Le communisme n’a jamais existé.

– Ah si…

– Mais moi je me revendique de cet idéal.

– Mais si.

– Non c’est une caricature de ce qu’a été le communisme…

– Ah bon, c’était un autre communisme ?

– … cette bureaucratie stalinienne qui imposait sa dictature. C’était une caricature.

– Vous ne voulez pas de bureaucratie stalinienne ?

– Non. En revanche l’idéal qui a animé effectivement les révolutionnaires Russes de 1917 et qui était une société, eh bien gouvernée par l’ensemble de la population, une économie maîtrisée sans exploitation, sans le profit, ça nous la partageons, voilà.

– Il faut un peu de profit quand même non, pour faire marcher l’entreprise et la société ?

– Ben vous savez les profits…

– Est-ce qu’il faut du profit d’ailleurs ?

– Les profits ils sont créés par les travailleurs, hein c’est leur sueur..

– Donc une meilleure répartition des profits ou bien…

– Nous on pense que ces profits ils doivent servir d’abord et avant tout à payer des salaires, et à payer des salaires dignes, des vrais salaires qui permettent de vivre, qui permettent de payer leur loyer, le carburant, les mutuelles et ce n’est pas le cas aujourd’hui. Donc nous nous disons voilà qu’il faut absolument revendiquer encore des augmentations de salaire. Et bien sûr qu’il faut porter le SMIC à 1700 euros. Et il faut que les salaires augmentent au même rythme que les prix.

– Hausse générale des salaires ?

– Voilà à quoi devraient servir les profits.

– Hausse générale des salaires, quelle hausse ?

– Je tiens juste à préciser, qu’aujourd’hui les profits à quoi servent-ils ? Vous savez que l’Oréal, le groupe l’Oréal s’est d’ores et déjà engagé à verser 360 millions de dividende à madame Bettencourt pour 2012. Un million par jour. Elle gagne au loto tous les jours. Elle a aucun risque même de perdre. Elle est sûre de gagner tous les jours un million. Vous trouvez ça normal ? Moi je pense que les profits ça ne doit pas servir à ça. Parce que ces mêmes profits, ces 360 millions, où va-t-on les retrouver ? On va les retrouver…

– Alors comment les répartir ? Vous êtes à la tête de l’Oréal dans votre régime politique idéal, comment répartissez-vous les profits ?

– Ces profits on va les retrouver dans des caprices de riche, on va les retrouver pire que ça encore, on va les retrouver dans la spéculation. Moi je dis que ces profits ils doivent servir…

– Alors comment faites-vous ? 360 millions d’euros vous faites quoi ?

– Ils doivent servir à augmenter les salaires et ils doivent servir à des embauches. Ils doivent servir à répartir le travail entre tous.

– Vous en laissez un peu aux patrons ou pas ?

– Oh mais les pauvres, les pauvres ! Mais y a pas de souci. Ils ont eu le temps depuis des années d’accumuler des fortunes. Regardez elle a toutes les îles qu’elle veut. Elle a je ne sais combien de maisons cette petite dame. Bon. Ecoutez, moi c’est pas mon problème, honnêtement. Mon problème c’est qu’il y a 4,5 millions de chômeurs aujourd’hui. Et je pense qu’y compris ces groupes-là qui sont riches à milliards, ils devraient oui à la fois augmenter les salaires, faire que au moins ils augmentent au même rythme que les prix, hein, qui n’ont cessé d’exploser et ils doivent aussi embaucher. Et répartir le travail et soulager les efforts de chacun.

– Vous imposez l’embauche ?

– Oui bien sûr.

– Comment faites-vous ?

– Bien sûr…

– Vous obligez l’entreprise à embaucher, une entreprise privée ou bien est-ce que vous nationalisez toutes les grandes entreprises française ?

– La réalité c’est qu’aujourd’hui elles licencient et nous nous imposons l’interdiction des licenciements. Parce que vous comprenez ce chômage…

– Vous interdisez tous les licenciements dans toutes les entreprises…

– Tous les licenciements. Mesure contraignante, coercitive, obligatoire parce que y en a marre qu’à chaque fois qu’on parle des patrons, à chaque fois qu’on parle des riches on explique qu’il faut les inciter, qu’il faut les aider, qu’il faut leur donner envie de… Il faut leur imposer.

– Mais une entreprise qui est au bord du dépôt de bilan et qui a besoin de réduire ses effectifs, pour se sauver, vous faites quoi ?

– Vous me parlez de ces entreprise-là, bon mais vous conviendrez avec moi quand même que Arcelor-Mittal, Peugeot-Citroen, Renault n’ont aucune raison de licencier et qu’il faut leur imposer cela. Alors après vous me parlez des petites entreprises…

– Petites ou plus grandes.

– … qui sont au bord du dépôt de bilan. La plupart du temps ces entreprises elles dépendent de grands groupes qui sont des donneurs d’ordre. Ce sont des sous-traitants qui ont souvent écrasé leur marge pour décrocher le contrat en disant qu’ils trouveront toujours des travailleurs qu’ils pourront payer mal, qu’ils pourront utiliser de façon précaire, intermittente. Donc nous nous disons que l’argent pour préserver les emplois y compris dans ces groupes on doit aller le trouver dans les grands groupes, les donneurs d’ordres, ces deux cents entreprises, grandes entreprises qui font la pluie et le beau temps dans le pays.

– Mais je suis artisan. J’ai tout à coup un afflux de commande. J’ai besoin d’embaucher, j’embauche. Et puis six mois après j’ai moins de commandes, j’ai besoin de me séparer de certains de mes salariés, je fais quoi ? On m’interdit de…

– Ce ne sont pas les petits commerçants et artisans qui sont attachés à leurs travailleurs qui licencient…

– Mais vous faites quoi ?

– Moi je pense que ces petits commerçants et artisans ils ont intérêt à soutenir cette revendication. C’est dans leur intérêt.

-Mais pourquoi ?

– Parce que quand le chômage explose et que la misère grandit ils savent que c’est eux qui le subissent. Parce qu’ils n’ont plus d’acheteurs, ils n’ont plus de clients. C’est les rues qui se vident. Vous savez quand on n’a plus d’argent eh bien on met la tête sous le capot et on répare sa voiture comme on peut. C’est ça qui se passe.

– Je vois dans votre programme : perception du salaire jusqu’à la mort.

– Oui.

– C’est-à-dire ?

– Parce que il y a quelque chose que je ne comprends pas c’est pourquoi une fois qu’on est à la retraite on doit…

– Eh bien on touche une retraite.

– Et pourquoi doit-on se contenter de 75% ou 80% de son salaire ?

– Quand on est dans le public oui.

– On continue d’avoir la même vie. Une retraite à taux plein aujourd’hui c’est 75%, à taux plein. Et combien y en a-t-il qui touchent leur retraite à taux plein ? De moins en moins aujourd’hui. Je ne vois pas pourquoi…

– Donc le salaire jusqu’au bout ?

– Après toute une vie de travail on doit pouvoir continuer avec le même pouvoir d’achat.

– Mais attendez, qui va verser ce salaire ? L’entreprise ?

– Excusez-moi mais les cotisations retraites ça fait partie de ce que doit un patron, ça fait partie du salaire, c’est du salaire différé.

– La retraite doit être équivalente à 100% du dernier salaire ?

– Ben oui. Mais reprenons l’exemple de madame Bettencourt. Vous croyez qu’elle se fait beaucoup de soucis pour sa retraite ? Bon, en réalité elle a été à la retraite toute sa vie d’ailleurs, puisqu’elle n’a jamais travaillé. Elle ça n’a pas posé de problème. Moi je ne vois pas pourquoi on imposerait aux travailleurs eh bien une chute de leur pouvoir d’achat et qu’on les mettrait dans la difficulté parce qu’ils arrivent à la retraite, voilà. Ecoutez, la société elle regorge de richesses aujourd’hui, et il faudrait qu’on condamne les vieux travailleurs qui ont passé leur vie au boulot, qui ont participé à construire le pays, il faudrait les condamner à la misère ?

– Et l’impôt, vous faites quoi avec l’impôt sur le revenu ?

– Eh bien moi je suis pour que l’impôt soit payé par les exploiteurs, voilà. Par ceux qui gagnent leur revenu sur…

– Et le salarié ne paie plus d’impôt alors ?

– Et je suis oui pour que le salarié il touche son salaire plein et entier et qu’il ne paie plus d’impôt.

– Plus du tout : pas de CSG, pas d’impôt sur le revenu et pas de TVA ?

– …et pas de TVA. Voyez. La TVA moi j’ai rien contre le fait de payer la TVA sur les yachts de luxe, sur les bijoux, sur les sacs à 3000 euros, ça y a pas de problème. On peut payer même 50, 80 et même 100% de TVA. Ça ne me pose aucun problème. Mais que les plus pauvres paient le même taux de TVA que les milliardaires quand ils achètent leur baguette de pain ou quand ils achètent leur bouteille de lait, ça je ne suis pas d’accord. Donc supprimer effectivement les impôts payés par les travailleurs et que ceux qui vivent du travail des autres paient les impôts qu’ils doivent justement. Ça ce serait un retour normal à la collectivité.

– Bien Nathalie Arthaud, vous voterez pour qui au second tour ?

– Ah bien là je vais décider et on prendra notre décision au soir du premier tour.

– Mais vous vous savez déjà ?

– Non. Je ne le sais pas. Ça dépendra de la situation politique.

– Si vous avez Nicolas Sarkozy, François Hollande vous ne savez pas ?

– Oui mais il y a plein de cas justement. On ne fait pas de politique science-fiction et moi ma campagne c’est au premier tour. Et au premier tour justement je tiens à dire et à redire que le sort des travailleurs il ne dépendra pas du futur locataire de l’Élysée. Il va dépendre de la crise, de cette aggravation et de voir la politique patronale qui consiste toujours et encore eh bien à priver les travailleurs de tout : de leur emploi, de leur salaire de leur condition d’existence.

– Comment va Arlette Laguillier ?

– Ecoutez elle va très bien et elle suit cette campagne, passionnément.

– Merci Nathalie Arthaud.

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4 commentaires sur “Surprise, surprise ! Nathalie Arthaud agrégée d’économie et de gestion !”

  1. azerty dit :

    Ahurissant.

  2. guacamol dit :

    Eh bien ça me parait plein de bon sens, tout ça. Agrégée ou pas. Pas de quoi tomber de sa chaise.

  3. Victor Perez dit :

    Eh bien si, avec Hollande c’est encore pire. Cela ne tient pas à sa personne, pas à son caractère, mais au contexte, à la crise et au fait que dans cette période le patronat est de plus en plus agressif. Le patronat ne prenait déjà pas beaucoup de gants sous Sarkozy, mais avec Hollande ils y vont à cœur joie ! Alors oui, c’est pire pour les travailleurs, parce que les licenciements se multiplient, parce que la jeunesse reste condamnée au chômage, parce que les prix continuent de monter, parce que même les services publics continuent d’être démantelés.

  4. Pierre dit :

    Bonjour
    Consternante, en effet, cette personne agrégée… L’interviewer BFM, très bon dans ses questions, me fait l’effet de s’être retenu de hurler de rire !
    Et quel plaisir auparavant de lire un article vivant, bien écrit, intelligent (si je puis me permettre d’en juger).

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