Manifs lycéennes
Quand la réalité rejoint la fiction
La lecture du journal est parfois comique. Un article de Ouest-France (19/12/2008) « Les lycéens en force contre la réforme Darcos« , fait le point sur les manifs à travers le pays. Il est complété par un éclairage de Vincent Coquereau sur les pratiques en cours au lycée Joachim-Du-Bellay, à Angers, dont voici la teneur.
Le lycée prête la sono et la peinture Au lycée Joachim-Du-Bellay, la contestation contre la réforme Darcos a pris un tour original. «Chaque jour, on organise des ateliers thématiques, des débats, des réunions d’information», rapporte Thibaud Radin, l’un des leaders du mouvement. «Bloquer des accès, c’est facile, mais ce n’est pas une finalité; le truc qu’on fait ici, c’est de l’organisation costaud!» Dans la discipline. Les jeunes lèvent la main pour prendre la parole, ils se répartissent les tâches. Ils anticipent, s’interrogent et votent à bulletins secrets.Revues de presse, boîtes à idées, boîtes à slogans, tracts… Soutenus par des professeurs, les Angevins bénéficient de l’aval de la direction qui leur met la sono à disposition et même la peinture pour les banderoles. «Les élèves prennent la parole et respectent celles des autres, ils s’écoutent», observe Jean-Claude Vaugeois, le CPE des terminales. «Faudrait que les parents voient ça!» Aucune dégradation n’a été relevée. «Ils sont même venus demander de l’eau de Javel pour nettoyer la peinture… Ils veulent être pris au sérieux, pour des jeunes responsables, et ne pas passer pour des rigolos».
Quand la réalité rejoint la fiction, il faut parfois se frotter les yeux comme pour sortir d’un rêve. J’avais écrit le 15 avril 2008 un article un poil ironique sur les manifs lycéennes, Réforme du lycée: les manifs de printemps intégrées aux programmes officiels. Et voilà que mon intuition prend corps. Incredible!
Le topo du CPE interviewé est aussi démago que pédago. L’alibi du débat est une justification éternelle passe-partout. Ce n’est pas pendant les heures de cours qu’on débat de la politique du pays. Les lycéens n’ont aucune légitimité à vouloir décider ce qui est bien pour le pays, a fortiori en matière d’éducation. Hormis la question de l’âge, rédhibitoire ici, cela reviendrait à déléguer aux banquiers l’élaboration de la politique fiscale; à déléguer aux industriels la définition de la politique environnementale; à déléguer aux détenus la politique pénale… etc. Que les lycéens fassent d’abord leurs preuves en s’insérant dans la vie du pays. Ensuite, l’expérience aidant, ils participeront aux décisions; en qualité de citoyen. Cependant, à leur décharge, ils ont sous les yeux depuis des décennies des modèles d’adultes qui font l’enfant; des spécialistes de la grève compulsive. Ça n’aide pas à grandir.