Réforme du lycée : les manifs de printemps intégrées aux programmes officiels
Le secret a été bien gardé. Mais selon des sources autorisées un projet de réforme a été signé entre le ministre de l’EdNat, les syndicats d’enseignants, les représentants des lycéens avec la bénédiction des associations de parents d’élèves. Il s’agit d’intégrer les manifs de printemps dans le cursus officiel de l’EdNat. La répétition chaque printemps des grèves lycéennes a fini par hérisser le poil de tous ceux qui de près ou de loin se sentent investi de quelque responsabilité éducative. Les enseignants d’abord, naturellement inquiets des risques encourus par les jeunes lycéens qui, s’en allant manifester, s’exposent à la loi de la rue. Et, leur conscience professionnelle conduit les professeurs à abandonner rapidement leurs cours, la mort dans l’âme, mais pour encadrer leurs élèves: l’esprit de sacrifice.
Leurs syndicats l’ont rappelé, il est inconcevable de laisser des jeunes à la rue. Soit, mais vu sous un autre angle, notre beau pays qui adore proclamer son goût de la liberté, abhorre de fait tout espace de liberté qui n’est pas sous contrôle.
Revenons à la réforme. Les grèves de printemps, devenues rituelles dans les lycées français, anticipent de quinze jours les vacances de printemps. «Il est impossible dans ces conditions d’achever les programmes se sont offusqué les syndicats d’enseignants.» Et pour parfaire leur rôle d’éducateur ont donné leur accord à ce projet de réforme, dont voici les grandes lignes.
Forte valeur ajoutée pédagogique
Le projet fonde sa légitimité sur ce constat: les manifestations de rue printanières ont un rôle initiatique majeur. Mais il en résulte une désorganisation scolaire préjudiciable à la formation des élèves, et qui en outre provoque le désarroi des professeurs contraints moralement d’accompagner les élèves dans les manifs, les obligeant ainsi à suspendre leurs cours.
Le projet vise à intégrer les manifestations lycéennes dans le cursus officiel de formation. Tous les ans, durant les deux semaines précédant les vacances de printemps les cours habituels seront suspendus dans tous les lycées. Ils seront remplacés par des AETPC (ateliers d’éducation et de travaux pratiques civiques). Ces AETPC seront bâtis sur des contenus à forte valeur ajoutée pédagogique. De longues négociations avec les syndicats d’enseignants sont sur le point d’aboutir.
Les uns et les autres se sont mis d’accord sur la définition des objectifs, les contenus pédagogiques, les actions pédagogiques transversales que rendent possible ces AETPC. Les contenus porteront sur l’étude des libertés individuelles et notamment le droit d’expression, sous l’aspect historique ; juridique. Des travaux pratiques seront organisés sous la responsabilité directe des délégués syndicaux des enseignants, dans chaque lycée. Ils porteront sur l’organisation d’une manifestation sur la voie publique ; étude des aspects administratifs (le préfet pourra envoyer un délégué dans ces ateliers) ; l’étude des aspects tactiques ; la définition des objectifs, des slogans ; la confection des banderoles dans l’esprit du développement durable (étude de la dégradation des supports textiles ou non) ; étude de la toxicité des marqueurs et peintures ; étude de l’aspect économique de la confection des banderoles (comment s’assurer que les matières premières nécessaires sont vraiment labellisées « commerce équitable »)…
Des enseignants victimes perpétuelles
Les syndicats ont donné leur accord de principe sur les grandes lignes de ces AETPC, mais pas sur les conditions de leur application. Ils craignent une nouvelle charge de travail pour les enseignants. «La réforme organisant les journées en atelier, les professeurs disent s’attendre à devoir effectuer davantage d’heures que leur service règlementaire; des heures supplémentaires que le ministre veut noyer dans la généralité de la réforme pour éviter d’avoir à payer. » Les syndicats déclarent ne pas vouloir être « les victimes d’une réforme qui en refusant d’attribuer des crédits nouveaux conduit à abaisser la qualité de l’enseignement.» Ite, missa est. Bien sûr, toute ressemblance avec des faits réels serait purement fortuite et involontaire.
La réforme de l’EdNat est en marche. Un seul objectif depuis quarante ans: oui à la réforme (évidemment c’est moderne ça coco) assurent les enseignants mais à condition que rien ne change. Et, comme dans les salles de de profs on s’imagine incarner la forme achevée de la perfection, les paroles qui en sortent ne sont rien d’autre que l’expression achevée du bien. Et les réactions qu’elles impliquent ne sont alors que le prolongement en acte du bien. C’est là, et nulle part ailleurs, qu’est cultivée la quintessence de l’esprit critique. Il faut le savoir tout de même. Dans les salles de profs on sait toujours ce qu’il faut faire. Mais c’est toujours ce que les autres doivent faire. Pauvre esprit critique de fait à y regarder d’un peu près, réduit à une posture de défiance stérile.
Faut-il s’étonner ensuite du mimétisme des lycéens lorsqu’on prend la mesure de ce qu’ils ont sous les yeux depuis que leurs yeux s’ouvrent au monde; le comportement infantile et stérile de leurs aînés chargés pourtant de les conduire aux portes du monde adulte?
C’est la fin programmée des classes…. pas des troupeaux, les élèves seront tassées par paquet de 30-35 dans tous les cours, bravo l’efficacité… économique…Elles ne seront plus du tout ce groupe qui prend de la cohésion en deux trois mois.
Ma réaction à l’annonce officielle du contenu de la réforme du lycée est d’abord liée au dernier carnage qui a eu lieu en Finlande. Celui-ci rejoint une liste trop longue d’événements du même genre. Il semble que l’institution scolaire a été épargnée par ces phénomènes chez nous. N’y aurait-il pas une certaine corrélation entre ces faits tragiques et la façon dont ces adolescents sont pris en charge dans leurs établissements d’enseignement. Les États-Unis, l’Allemagne et la Finlande n’ont-ils pas un système scolaire très individualisé, où le groupe classe s’efface devant des structures plus lâches, plus éphémères et disparates, groupe de module ou d’option ? La classe fixe, groupe de référence pour une durée longue, ne serait-elle pas, par ses solidarités induites, un dispositif empêchant de telles impasses personnelles de naitre ?
Enfin, présenter la seconde avant que ne soit dévoilées les deux années suivantes, relève de la pire des manœuvres grossières. C’est pourtant là que se verront les énormes distorsions entre le discours affiché et la régression ainsi organisée.
[…] d'un rêve. J'avais écrit le 15 avril 2008 un article un poil ironique sur les manifs lycéennes, Réforme du lycée: les manifs de printemps intégrées aux programmes officiels. Et voilà que mon intuition prend corps. Incredible! […]