« Monde commun » de Christian Paul porte en lui la promesse de son échec
« Monde commun », le mouvement que lance Christian Paul… pardon je reprends. « Monde commun », le nom lancé à la cantonade par Christian Paul, accroché au rêve de le voir émerger en mouvement politique, porte en lui la promesse de son échec. « Réinventer la gauche » telle est l’ambition revendiquée. Une gageure! Sa nature comme sa genèse en expriment l’antinomie.
Car pour construire un monde commun il faut d’abord s’astreindre à partager des expériences en commun, à partager des retours d’expérience. Construire un monde commun suppose une capacité à tirer des conclusions constructives de ses propres échecs, une capacité à modifier son approche et son discours politiques éclairés par l’expérience, toutes les expériences, les siennes comme celles d’autrui. Construire un monde commun suppose une capacité à faire des concessions, capacité qui suppose elle-même d’avoir accepté l’imperfection de sa propre perception. Pour faire « Monde commun », par définition il faut s’astreindre à confronter son approche avec d’autres non congruentes, avec pour seule certitude celle de savoir ne détenir aucune vérité, dans le seul but de construire des décisions politiques qui par leur nature propre sont inscrites dans l’espace et dans le temps, partielles et éphémères, toujours. Nulle décision politique n’a de caractère universel-intemporel. Sinon, il y a belle lurette que la politique aurait disparu. Toute instance décisionnaire serait superflue puisque les sociétés humaines seraient à chaque instant à leur point d’équilibre. En attendant… il faut accepter de discuter ; de composer ; d’évaluer ; d’ajuster ; de recommencer…
Groupuscules à l’envergure d’un cabinet d’alchimiste
En pratique « Monde commun » est le dernier avatar d’une longue histoire. Tout ce que la gauche croit compter de forces vives est constitué en réalité d’un agrégat de forces stériles, stérilisantes, davantage disposées à se disputer les unes les autres que de faire œuvre commune dans l’intérêt du pays, de ses habitants. Depuis le début de leur histoire elles s’adonnent avec délectation à la querelle, à la scission, souvent avec emphase. Au nom de l’orthodoxie, évidemment dont chacune serait dépositaire! Las, en prenant un peu de hauteur on perçoit, horrifié, une nébuleuse dont chaque petite composante n’a d’autre envergure que celle d’un cabinet d’alchimie, recroquevillée sur « sa » pierre philosophale: le verbe magique, antichambre du paradis terrestre annoncé, chacune le sien tant qu’à faire. Bref autant de compilations de grandes idées généreuses destinées à rester en l’état, nuages de poussières rhétoriques.
Le summum de l’incurie
Au fond « Monde commun » est un nouvel abus de langage, simple manifestation verbeuse de l’esprit de chapelle qui sape la gauche de l’intérieur depuis l’origine. Puissance inexorable de l’idéologie érigée en dogme. « Monde commun » arrive après « Le mouvement du 1er juillet » (2017) de Benoit Hamon qui a réussi l’exploit de rebaptiser l’embryon devenu « Génération.s » après seulement cinq mois d’existence. Les deux succédent à la tentative d’Arnaud Montebourg au printemps 2016, de lancer son « grand projet alternatif pour la France ». Quoi de plus ridicule au final que cette prétention à faire « monde commun » quand on se montre incapable déjà: a) de travailler en commun entre anciens frondeurs; b) de travailler en commun au sein du parti socialiste; c) de travailler en commun au parlement avec les partis de droite, au bénéfice du pays? On atteint là le summum de l’incurie. Incapables de se parler entre elles, ces poussières de gauches voudraient cependant nous montrer comment faire « Monde commun ». Un peu d’humilité ne nuirait pas à l’efficacité; l’humilité qui consiste à afficher des ambitions à la hauteur de ses moyens.
Âme pure et mains blanches
« Monde commun » va se contenter d’allonger la liste des chapelles où l’on veut jouer à la politique sans devoir assumer quelque responsabilité politique. Le bonheur absolu de tous les velléitaires. Songez-donc à la dotation exceptionnelle de la France en partis de gauche qui ne veulent surtout pas gouverner, surtout pas se salir à gouverner! Le pays est gratifié de deux groupuscules trotskistes: Lutte ouvrière et le NPA de Besancenot-Poutou, rien que ça! Il comporte en outre une naine rouge sous le nom de PCF, un nouveau Parti de Gauche sauce Mélenchon, des restes du Parti socialiste, le mouvement Génération.s de Benoit Hamon et maintenant le « Monde commun ». Ouf ! Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept partis de gauche incapables de se parler entre eux mais qui viennent nous parler de « Monde commun »! Le processus est vieux comme les religions: puisque nous sommes incapables de travailler en commun, isolons-nous dans la pureté idéologique. Et de là, proclamons la vérité. Il ne restera plus alors au peuple ébahi qu’à se jeter à nos pieds. Âme pure et mains blanches! Voilà donc l’idéal de l’action politique. Stop à l’imposture. Chacun a parfaitement le droit d’avoir des fantasmes, de les exprimer. Mais ces fantasmes là, de grâce, ne les inscrivez pas à la rubrique politique. Par respect pour les acteurs politiques; par respect pour les citoyens.