Contre Sarkozy, le culte de la laïcité (2/4)

Écrit le 21 janvier 2008 par Jiceo

[2/4] A bien y regarder, la portée de la loi de 1905 est loin de posséder le caractère universel qu’on lui prête. Premièrement parce que dans les démocraties modernes qui ne connaissent pas la laïcité au sens français du terme, la liberté, les libertés ne me semblent pas moins assurées qu’en France. Ou alors, cela reste à démontrer. Espagnols, Allemands, Anglais, Suédois… auraient-ils quelque chose à nous envier de ce point de vue? Deuxièmement, parce que la loi de 1905 est une loi de circonstance. Elle est née d’un contexte particulier: celui de la proximité trouble entre l’Etat et l’Eglise catholique; et non pas entre l’Etat et les Eglises.

Et, comme d’habitude, loin de prévenir une situation jugée insatisfaisante, la loi est venue sanctionner un état de fait. La perte d’influence de l’Église romaine était bien engagée. C’est d’ailleurs ce qui rendait possible le vote. Ce n’est pas une Église au fait de sa gloire que la loi visait, mais une Église déjà affaiblie. A ce stade, levons une équivoque. Ce qui réjouit beaucoup de défenseurs de la loi de 1905 c’est la mise au second plan de l’institution religieuse par rapport à l’État. Soit. Ce qu’ils ne voient pas, ou ne veulent pas voir, c’est le caractère primordial de la loi exprimé par son article 1: «La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.» Assure la liberté de conscience… garantit le libre exercice… La loi de 1905 est d’abord une loi qui sanctifie la liberté.

Perte symbolique mais gain substantiel

A l’époque, l’Église catholique s’est braquée contre la loi parce qu’elle savait ce qu’elle perdait, au moins sur le plan symbolique. Un siècle plus tard elle en est devenue l’avocat fervent parce qu’elle sait ce qu’elle y gagne. Et pas sur le plan symbolique cette fois, mais sur le plan très substantiel du financement, celui sur lequel pourtant sont le plus chatouilleux les militants laïcs. L’hypocrisie qui entoure cette question est colossale. On se glorifie de réciter l’article 2: «La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte…» et on en tire des conclusions erronées car on néglige de le mettre en relation avec les articles 12 et 13, notamment. Article 12: «Les édifices qui […] servent à l’exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres (cathédrales, églises, chapelles, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires) […] sont et demeurent propriétés de l’État, des départements, des communes […] ayant pris la compétence en matière d’édifices des cultes.» Article 13: «Les édifices servant à l’exercice public du culte […] seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte… Les établissements publics du culte, puis les associations bénéficiaires, seront tenus des réparations de toute nature, ainsi que des frais d’assurance et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles les garnissant. […] L’Etat, les départements, les communes […] pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi.»

Jouer à se faire peur

Conclusion pratique: quand, élu local, je vote le crédit de réfection de la toiture de l’Eglise, certes, je ne subventionne aucun culte. Toutefois je subventionne un lieu de culte. Et largement. Comme chacun le sait, l’entretien d’un tel patrimoine immobilier ce n’est pas roupie de sansonnet. Autrement dit, aujourd’hui sans les deniers publics alloués aux églises, l’Eglise catholique aurait mis la clé sous la porte et le patrimoine religieux courrait vers la ruine, au bonheur des seuls archéologues et des voleurs de pierre.

En ce début du XXIe siècle ce n’est pas la fréquentation des églises qui peut garantir leur entretien. Façon de dire qu’on joue à se faire peur en affirmant que toute modification de la loi de 1905 mettrait à mal le caractère laïque de la République. Comme si rien n’avait changé en un siècle. Comme si l’Église n’avait pas changé. Comme si les catholiques eux-mêmes n’avaient pas changé. L’Église n’est plus un monolithe. Sa perte d’influence dans la population a modifié et son discours et ses pratiques; sa culture. Les catholiques ne sont plus un bloc homogène derrière un pape. S’il y a un lieu où la liberté aussi a pris ses aises c’est dans l’Église catholique. Il suffit de s’ouvrir au dialogue pour entendre très clairement certains catholiques, individuels ou associations, dire qu’ils ne suivent pas le pape sur tel ou tel sujet, notamment sur les questions relatives aux mœurs (préservatif, pilule, divorce…)   (suite ->)

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