Contre Sarkozy, le culte de la laïcité (3/4)

Écrit le 21 janvier 2008 par Jiceo

[3/4] Voilà le plus important. Refuser par principe toute modification de la loi c’est, ignorant que la situation de 2005 n’a plus grand chose de commun avec celle de 1905, l’auréoler d’un caractère universel et intemporel qu’elle n’a pas; c’est la réduire à une idéologie, en faire un nouveau dogme. La loi de 1905 était une loi de circonstance. Sa modification éventuelle ne serait qu’adaptation aux changements intervenus en un siècle. Au demeurant, aujourd’hui, ce qui pose problème à la République laïque ce n’est pas l’Eglise catholique, qui a finit par trouver sa place dans ce nouveau rapport à la société, et y trouver son intérêt dans un temps où le fidèle se fait rare. Ce qui interroge la société aujourd’hui de ce point de vue ce sont deux choses.

Importance nouvelle de l’Islam

1°- La première c’est l’importance nouvelle de l’Islam en tant que religion. Sans patrimoine préexistant à la loi de 1905, l’Islam ne bénéficie pas des travaux d’entretien pour ses lieux de culte. Deux constats s’en suivent. L’un concerne l’état parfois indigne des lieux de culte que se sont donné les musulmans, faute de moyens. Le second conduit à se méfier de leur financement quand il se produit. Les sources étrangères ne sont pas nécessairement exemptes d’interrogations légitimes quant aux liens de dépendance qui à cette occasion peuvent s’y nouer. Aussi, je ne sais pas s’il faut modifier la loi de 1905. Ce dont je suis sûr c’est que la question se pose légitimement, et que du même coup son étude en profondeur devient légitime. Sans préjugé. Pour ma part je ne suis pas opposé à un financement des lieux de culte musulmans sur des fonds publics. A quel hauteur? Cela fait partie du débat.

Plusieurs arguments plaident en ce sens. Le premier a trait tout simplement à l’égalité devant la loi. Pour les cultes présents en 1905, les fonds publics assurent l’entretien du patrimoine. On l’a vu. Les lieux de culte musulmans ne peuvent y prétendre. Peut-être faudrait-il imaginer un montage juridico-financier qui ferait d’une association cultuelle locale le maître d’ouvrage durant la construction d’une nouvelle mosquée. Dès la réception des travaux, celle-ci devient lieu de culte et entraîne l’application immédiate de la loi, la faisant entrer dans le patrimoine public, sous le régime général de la loi de 1905. Pour autant la question du financement de l’investissement initial n’est pas résolu. Il faut en débattre. Deuxième argument, qui vient couronner celui de l’égalité devant la loi. La mise au point de procédures de financement public des lieux de culte musulmans, encadrées par la loi, aurait un impact profond sur les populations concernées.

Je préfère voir grandir les jeunes Français, y compris musulmans, avec un sentiment de dette à l’égard de la République, plutôt qu’avec ce sentiment de créance universel et perpétuel devenu si largement dominant, si prégnant. Chacun s’imagine volontiers créancier perpétuel de la société, attendant tout d’elle, sans contrepartie. A contrario, le sentiment de dette lorsqu’il est fondé sur la reconnaissance de la personne, de sa liberté (dont l’appartenance religieuse est un élément) construit un sujet qui, devenu adulte aura à cœur de l’honorer de mille manières. La reconnaissance de l’Islam par la République, y compris de façon concrète dans sa dimension religieuse est un facteur d’intégration républicaine. Et, contrepartie immédiate, la République est légitimement fondée à exiger de chacun le respect de sa constitution et de sa loi.

Quête diffuse de spiritualité

2°- Après la question de l’Islam, le deuxième problème qui travaille la société relève de ce qu’on pourrait appeler une quête diffuse de spiritualité. Persister à refuser de le considérer et de le travailler, au nom de la laïcité, nous rendra à peu près aussi lucides qu’une bande d’autruches. Si Nicolas Sarkozy revient si souvent sur la question religieuse c’est sans doute qu’il a eu l’intuition, comme d’autres, qu’il s’agissait là d’une question pas banale. Et l’argument qui voudrait lui interdire le sujet au nom justement de la laïcité est mal fondé. Est-ce à dire qu’elle est si peu assurée, même au bout d’un siècle, que la moindre parole du chef de l’Etat la mettrait en péril? Aurait-elle dans ce cas quelque légitimité à se réclamer comme fondement de la société? Ne pourrait-on pas penser a contrario, que les esprits libres des citoyens libres sont justement par nature capables d’entendre et de travailler n’importe quelle question sans perdre leur liberté?

En outre, les politiques sont élus pour mettre sur la table les questions à travailler… A moins qu’il n’y ait là rien qui fasse question. Comment expliquer alors l’intérêt grandissant des citoyens des pays industrialisés envers les spiritualités orientales, par exemple? Comment expliquer la floraison des groupements plus ou moins sectaires? Comment comprendre l’explosion des pratiques religieuses dans les anciens pays de l’Est, dès l’effondrement de l’URSS? Comment expliquer l’explosion de l’édition d’ouvrages centrés sur le développement personnel, le succès inattendu à cette hauteur des périodiques à caractère psycho ou philo? Quelle explication au succès foudroyant de la reconstruction sur le Web des réseaux de convivialité (type Facebook)? Pourquoi la consommation folle de médicaments psychotropes divers et variés? Pourquoi les phénomènes collectifs d’ivresse express? Pourquoi le développement continu des consommations de substances illicites, malgré les moyens toujours plus conséquents des services ad-hoc?   (suite ->)

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