Les lycéens kiffent trop la langue de bois syndicale

Écrit le 13 avril 2008 par Jiceo

C’est le printemps. Les lycéens sont dans la rue. Mais les enseignants veillent. Imprégnés jusqu’à la moelle de leur rôle d’éducateur ils les ont rejoint dare-dare : objectif, ne pas laisser ces chères têtes blondes affronter seules l’école de la rue. N’écoutant que leur courage ils ont délaissé leurs chaires pour les assister et les encadrer. Un vrai crève-cœur. Mais le résultat est là, bouleversant, au-delà de leur espérance. A écouter les représentants des lycéens on se demande bien ce qui leur reste à apprendre. Leur maîtrise de la vieille langue de bois syndicale devant micros et caméras est sidérante. Que pourraient-ils désirer de plus ? Ils égalent déjà leurs modèles, qui eux cachés derrière leurs drapeaux et banderoles jubilent de voir que la relève est assurée ; et de la meilleure façon qui soit puisque ce ne sont pas leurs successeurs (à ce qu’ils donnent à entendre) qui secoueront la vieille pensée sclérosée. L’institution EdNat est solidement ancrée sur de vieux schémas idéologiques. Elle ne veut toujours pas se mettre en marche. Les chaines sont rouillées mais tiennent encore.

Pourtant les enquêtes internationales PISA (Programme for International Student Assessment) sont cruelles pour l’égo national. Elles bafouent le préjugé français sur la supériorité française, ici de son système éducatif. Pour le dire poliment, la France ne caracole pas en tête des pays les plus performants; dans ce domaine-là non plus*. Mais ce n’est pas un scoop. L’Éducation nationale est en crise depuis quarante ans. Et manifestement les acteurs de l’institution Education Nationale se complaisent dans la crise. Et s’ils manifestent beaucoup dans la rue, ils manifestent peu le désir de dépasser la crise.

CAPES de langue de bois

Pas de CAPES de langue de bois syndicale. Elle se transmet sur le tas et par médias interposés avec une efficacité redoutable. Chaque nouvelle poussée de manifestations printanières fait éclore son lot de porte-paroles. Et tous, année après année, se singularisent par leur conformité à cette vieille culture poussiéreuse, coupée du monde vivant. L’arrière plan métaphysique d’abord, d’un côté le bien, de l’autre le mal. Entre les deux rien. Petit théâtre du monde, racorni, qui pour garder sa cohérence doit offrir un scénario à son image, petit. Le tout servi par une rhétorique figée, obsolète. Tout est en place chez les clones tristes des syndicalistes professionnels. Cette assurance d’incarner le bien quand le ministre est l’incarnation du mal. Cette certitude de n’avoir rien à apprendre des autres (d’autres pays), arrimée à la conviction que sa propre représentation d’un problème épuise le sujet; et que par conséquent chercher à savoir ce qui réussit ailleurs est sans intérêt; et que par conséquent toute comparaison est infondée. Cette conception du monde et des sociétés humaines réduite à une petite mécanique où chaque question a sa réponse isolée; où tout n’est qu’une question de moyens conformément à la vieille vulgate marxisante; où par conséquent toute interrogation sur le bon usage des moyens, notamment par l’évaluation des résultats y compris par comparaison, est sans fondement.

On est les meilleurs

D’ailleurs que peut-on apprendre d’autrui lorsqu’on est déjà le meilleur? Et si on n’a pas encore touché la perfection c’est qu’on manque de moyens. Rien d’autre. Et les moyens c’est de la petite cuisine financière. Trop triviale  pour des esprits aussi élevés. A nous les hautes valeurs morales, la philosophie de l’éducation. A eux la tambouille. Qu’est-ce qui est susceptible d’alimenter les moyens? Les prélèvements sur l’activité économique, qui suppose une économie forte… Pas leur problème. Trop trivial. Le rôle de l’économie dans la prospérité sociale ? La place prépondérante de la recherche dans cette dynamique ? Le désir d’entreprendre, le goût du risque, la curiosité au moins intellectuelle d’aller voir ce qui se passe ailleurs…? Rien. Le néant. Le vide. Seule compte la nécessité de continuer comme avant, mais avec toujours plus de moyens.

C’est vrai quoi, que peut-on vouloir de mieux ? La France a le meilleur système éducatif, le meilleur système social, la meilleure fonction publique. Il manque juste une chose, des moyens, que le ministre refuse par pure méchanceté. C’est-y pas touchant d’angélisme ? Mais comment en vouloir aux lycéens ? Ils ont leurs modèles archéo-syndicalistes sous les yeux depuis tant d’années.

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* Extrait du texte de présentation des résultats PISA 2006 : « Plutôt que la maîtrise d’un programme scolaire précis, PISA teste l’aptitude des élèves à appliquer les connaissances acquises à l’école aux situations de la vie réelle. Les facteurs conditionnant leurs performances ainsi que leur potentiel pour l’apprentissage tout au long de la vie font également l’objet d’une analyse au moyen de questions portant sur l’approche de l’apprentissage et le milieu social des élèves. »

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