Dopage sur le Tour : haro sur le baudet
Il a quelque chose de touchant ce lamento concertant des grandes âmes, écorchées de douleur à chaque annonce d’un cas de dopage ou de suspicion sur le tour de France. Mais hurler avec les loups ça permet surtout de détourner l’attention à peu de frais de ses propres turpitudes; de s’offrir bonne conscience à bon compte.
Ohé, messieurs les censeurs mettez la pédale douce. Votre lamento a quelque chose de fourbe dans le pays qui détient le record du monde de consommation de vin; dans le pays titulaire du record mondial de prescription de psychotropes en tous genres (tranquillisants et autres antidépresseurs), et qui ipso facto détient le record du monde de « citoyens » conduisant malgré l’interdiction liée à ces usages; dans le pays qui divinise les poètes accros à l’absinthe, petit péché dilué dans la pâmoison admirative; dans le pays qui tait dans un sourire entendu le penchant du père de la psychanalyse pour la cocaïne, petit tabou accessible seulement aux initiés; dans le pays qui fait silence sur l’usage banal de la cocaïne dans les milieux du showbiz, au nom de la créativité; dans le pays qui exalte les qualités du viagra à l’usage des compétiteurs sexuels défaillants; dans le pays où les ventes de « fortifiants » divers et variés explosent dans les semaines qui précèdent les épreuves du Bac… Nos escouades d’esprits critique se bouchent le nez au passage du tour de France, mais au prix d’une critique très sélective. De grâce, messieurs les censeurs, épargnez-nous cette morale de sacristie.
Alors, l’action contre le dopage oui. Mais action ouverte et continue, car si la compétition sportive se nourrit du désir de gagner, la course poursuite entre la recherche médicale et les applications dérivées à des fins spécifiques (qui s’apparente aussi à une forme de compétition dotée de toutes les caractéristiques de l’action humaine) est également une compétition sans fin; qui ne s’arrêtera que lorsque s’arrêtera la compétition sportive. Alors oui à l’action contre le dopage menée au nom de l’éthique sportive, au nom de la santé publique, dans un cadre juridique et au nom de la loi; pas au nom d’une morale abstraite à géométrie variable.