Gueule de bois au PS
Boire ou conduire, il faut choisir
• « Surtout, bien prendre garde à ne jamais nous retrouver en situation de gouverner », tel est le fond culturel sur lequel végète le PS. C’est ce que rappelle avec force ce titre, paru ce samedi 22 novembre sur Ouest-France.fr: «PS: Martine Aubry Première secrétaire pour 42 voix. Le camp Royal crie au scandale !» Titre sous lequel on trouve cette perle: «La situation a même failli dégénérer vers 2 h du matin quand des militants des deux camps se sont retrouvés devant le siège du PS. « Magouilleurs », hurlaient les partisans de Ségolène Royal. « Unité », leur répliquaient les troupes de Martine Aubry.»
Le caractère comique de l’échange tient essentiellement au fait qu’il suffit d’imaginer l’écart de 42 voix dans l’autre sens, pour pouvoir sans restriction intervertir les répliques des protagonistes. C’est quand même plus marrant de se battre pour avoir raison que de se battre pour gouverner. En interne on se bat courant contre courant, chacun persuadé d’avoir raison (verbalement) contre tous les autres, ce qui suffit au bonheur des militants. Vers l’extérieur on abreuve le monde d’incantations enflammées contre la droite, contre le gouvernement, contre le capitalisme, contre l’Europe, contre la mondialisation, contre la consommation, contre la pollution… ce qui suffit à combler les militants. Mais à prendre ainsi pour action politique cette langueur romantique on se place soi-même en situation d’échec perpétuel; ce qui est le but du jeu. Ne nous le cachons pas même s’il est inavouable.
Le verbe radical, strass et paillettes de l’extrême gauche
Martine Aubry-Ségolène Royal, 50-50. Match nul. Le PS immobilisé. C’est la chute finale… dans le chaudron de pusillanimité que mijote la gauche française depuis des lustres, d’où se déverse ce suave élixir au goût de potion magique: dire le bien urbi et orbi, et, du haut de ce piédestal moral s’ériger en censeur intransigeant du mal universel; posture du sauveur suprême. Voilà la nature de la politique cultivée par la gauche française, y compris chez les militants du PS. Ceux-ci, hypnotisés par le prestige qu’eux-mêmes accordent au verbe radical, strass et paillettes de l’extrême gauche, sont du coup tenus par un invincible sentiment de culpabilité à son égard. Ils se rêvent acteur politique en s’imaginant pouvoir conserver le statut de procureur moral. Mais les deux à la fois c’est impossible, ce qu’ils n’entrevoient même pas. Boire (l’enivrant élixir de vertu) ou conduire (la politique du pays), il faut choisir.
Tard dans la nuit, avant ce dénouement matinal (provisoire?) quelques images tournées au siège de campagne de Martine Aubry à Lille en disaient long sur le sujet. Les militants venaient d’être informés que la tendance qui donnait jusqu’alors Ségolène Royal en tête s’inversait. Et que s’est-il produit? Les héritiers de François Mitterrand ont alors entonné l’Internationale, un quart de siècle après le 10 mai 1981, comme si la culture de gouvernement n’avait fait aucun progrès dans le parti depuis qu’il est devenu parti de gouvernement. Passons sur la folie qui consiste à imaginer Martine Aubry en icône révolutionnaire sur les barricades. Cela n’est qu’un péché véniel. La tragédie de la gauche française c’est son amour immodéré du mythe de la table rase, dans sa version lutte finale bien entendu, nettement plus propice aux fantasmes d’héroïsme; révélateur cruel de son immaturité idéologique.
Comme elle imagine le monde coupé en deux entre les méchants capitalistes et les bons travailleurs (le mal séparé du bien par une frontière imperméable) la gauche imagine un temps linéaire, une ligne droite de l’histoire avec un avant où règne le mal et un après (après le grand soir, faut-il le préciser?) point de départ du bien appelé à régner jusqu’à la fin des temps. Et, tout bien pesé, mieux vaut attendre le grand soir que se salir les mains dans la gestion courante du capitalisme décadent, forcément décadent, n’est-ce pas? A gauche, les choses vont rester en l’état. Les militants du PS ne veulent surtout pas gagner, ni les présidentielles, ni les législatives. Cela expose à devoir rendre des comptes, pas forcément conformes aux attentes et aux promesses. Tragédie du pouvoir qu’on fait semblant de courtiser, mais qu’on redoute foncièrement. Plutôt l’assurance d’incarner le bien jusqu’à la fin des temps, en s’efforçant de demeurer dans l’opposition.
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