« Victimes de Madoff »
N’ajoutez pas l’irresponsabilité à la niaiserie

Écrit le 10 février 2009 par Jiceo

Ils sont impayables les gogos. Je parle des vrais gogos; pas des petits qui piégés par une publicité racoleuse s’offrent un produit miracle à 50 euros; simples dindons qu’on plume. Non, je vous parle des vrais gogos. Ceux qui, supérieurement diplômés, ont pignon sur rue et se renflent du jabot à mesure qu’enfle leur compte en banque. Certains d’être habité par un génie supérieur, flattés de voir s’ouvrir les portes de quelques cercles de happy few, voici donc les paons qu’on plume.

Vite, un bouc émissaire !

Ah qu’elles étaient belles ces promesses réservées à une élite, n’est-il pas? Car, chez ces gens-là monsieur, on ne mélange pas les torchons et les serviettes. On sépare bien le vulgum pecus du Livret bleu à 2,5% et les génies du business moderne. Éblouis par le miroir aux alouettes d’un compte Madoff (cette fois-ci; la prochaine ce sera un autre) ils ont eux accès à une rémunération de leur épargne (pardon de leurs investissements) digne de leur génie: 15%, 20%…  Jusqu’à la tragédie, soudaine. Mais voilà, une fois plumés nos petits génies de la réussite personnelle n’ont même pas la pudeur d’assumer leur niaiserie. Et un paon cul-nu, en habit chair de poule, s’empresse de chercher un bouc émissaire à ses déboires financiers.

Un cercle de happy few

Le titre du Monde de ce jour est éloquent, tristement éloquent: «Les victimes du scandale Madoff mettent en cause les cabinets d’audit». Certes, la tragédie est à la hauteur des illusions perdues, c’est-à-dire de la fonte des fonds. Mais, placer ses économies chez Madoff est un privilège que se disputent les happy few habilités; cercle dans lequel l’admission se fait par sélection naturelle, en quelque sorte; déterminée par le nombre de zéros avant la virgule sur le compte en banque. Lui-même déterminé par le génie personnel de son titulaire; vous savez bien, celui qui vous expliquait doctement quelques semaines auparavant que pour prétendre à des rémunérations aussi élevées il fallait savoir prendre des risques. Or, à la seconde où le risque se matérialise, il faut un coupable extérieur. L’information du Monde prend soudain un caractère indécent, au plus haut point.

Le scandale est moins constitué pas les opérations de haute voltige financière (cavalerie classique) d’un Madoff que par la niaiserie de ceux qui lui ont confié leurs économies. Il faut être sacrément diplômé pour croire (croire est le mot clé) qu’on peut bénéficier indéfiniment de 15%, 20% de bonus annuel quand la production globale de richesse, la croissance économique, plafonne à 2%, 3% ou 4% par an. Il s’agit-là d’une inflation sauvage des rémunérations, simple entreprise de spoliation à échelle industrielle, spécialité développée par de nombreux fonds spéculatifs. La patte Madoff n’est qu’un degré supplémentaire dans le cynisme. Car, manifestement les paons aussi sont sensibles au miroir aux alouettes. Et le tableau devient pathétique quand le génie diplômé se mue en génie victimaire, ajoutant l’irresponsabilité à la niaiserie.

Clients dorés sur tranche bénis des dieux

Certes les cabinets d’audit sont fautifs, mais pas seuls. Ils font partie d’un ensemble où les uns s’appuient sur les autres pour conforter leur ignorance et conjurer l’incertitude du monde vivant. Fautifs également, les banquiers et autres rabatteurs de fonds qui laissent croire à leurs clients dorés sur tranche qu’ils peuvent eux bénéficier de 15% de bonus par an quand leurs compatriotes abonnés au Livret bleu doivent se contenter de 2,5%. Certes les banquiers sont coupables, s’appuyant sur les sociétés d’audit pour échapper à leur propre responsabilité. Certes les sociétés de bourses sont coupables d’aveuglement. Certes les « gendarmes de la bourse » sont coupables d’apathie. Oui tout cela est vrai. Mais les clients qui croient au Père-Noël, tout de même… Ils auraient été bénis des dieux, eux, pour obtenir des bonus de 15% par an leur vie durant quand la piétaille des épargnants se contenterait du rendement du Livret bleu?

Allons chères « victimes ». N’ajoutez pas l’irresponsabilité à la niaiserie. Les sociétés d’audit et les agences de notation sont coupables. Mais votre avidité est première.

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