La présence militaire en Afghanistan vouée à l’échec
La liberté n’est pas un produit d’exportation

Écrit le 12 septembre 2009 par Jiceo

 Le président de la République va rendre hommage ce vendredi 11 septembre (2009) aux deux soldats français du 3e régiment d’infanterie de marine (Rima) implanté à Vannes. Ils sont les 30e et 31e militaires français tués en Afghanistan depuis l’engagement de la France en 2001, sans compter les blessés. Le prix est élevé, d’autant que par nature les victimes sont essentiellement des jeunes gens, jeunes époux, jeunes pères de petits enfants. C’est en quelque sorte la redevance à payer par la France pour se maintenir dans le cercle des puissances mondiales (même relatives). Soit. Mais l’objectif en l’occurrence, assigné aux troupes internationales sous couvert de l’ONU, est hors de portée. La liberté n’est pas un produit fini, livrable en container, prêt à consommer. La liberté n’est pas un produit. C’est un chantier permanent dont le maintien en activité exige ceci : la maitrise d’œuvre doit être assurée par le maître d’ouvrage lui-même. Nécessairement. Faute de quoi l’ouvrage s’effondre. Immanquablement.

Certes les arguments de la liberté (apporter la démocratie) et de la dignité humaine (combattre le port de la burqa), n’étaient pas premiers dans la justification de la présence militaire occidentale en Afghanistan. Mais après des siècles de colonisation-décolonisation il est devenu délicat de justifier la présence de soldats occidentaux à l’extérieur. L’argument de la lutte contre l’obscurantisme fondamentaliste en général et taliban en particulier, est donc venu en superposition de la motivation première, en légitimation supérieure, en quelque sorte, puisque le « fantasme » initial était la capture-liquidation d’Oussama Ben Laden /  Al-Qaida.

Sur ce sujet il est probable que des opérations discrètes des services secrets auraient été plus efficaces. Car dès lors que les armées occidentales occupent le terrain avec ostentation les terroristes se planquent. C’est naturel. Seulement avec les armements conventionnels on ne vient pas à bout de poseurs de bombes qui se fondent dans la population civile. En explosant, les bombes occidentales ne sont tout de même pas assez intelligentes pour différencier les barbus hallucinés des simples civils. Ce qui en limite singulièrement l’emploi. Sauf à renforcer le rejet de l’occident par la population civile. Mais peut-être fallait-il donner le change aux populations occidentales en organisant la visibilité de nos forces armées après le traumatisme du 11 septembre ?

Les limites de la mission

Le bilan, huit ans après l’arrivée des troupes internationales, est-il conforme aux espoirs ? Il est probable que la traque des suppôts d’Oussama ait singulièrement amenuisé leurs capacités opérationnelles. Mais, pas mieux sans doute que des opérations discrètes, et à un coût autrement plus élevé. En termes financiers bien sûr, mais également en terme d’image. Il est très difficile, pour les autorités d’un pays, de justifier la présence de troupes étrangères dans la durée. Sauf à finir par apparaitre comme les marionnettes des « occupants ». Et parallèlement, il est très difficile pour les autorités légitimes des pays occidentaux de justifier dans la durée la présence de nos soldats à l’extérieur ; en raison du nombre de morts qui croît avec le temps qui passe ; en raison de la fuite avec le temps des objectifs affichés d’instauration de la démocratie, d’importation des libertés.

Quelles que soient les motivations, en Afghanistan ou en Irak, les limites de la mission sautent à la figure, comme des mines au passage de nos soldats. Chacun sait que la présence militaire occidentale dans ces pays n’a pas vocation à être éternelle. Et, vu l’état des choses chacun sait que, à l’instant où le dernier soldat occidental aura décollé de Bagdad ou de Kaboul, la guerre civile s’emploiera à dépecer l’ancien Irak ; l’Afghanistan retombera, ouvertement, sous la coupe des clans.

La liberté ça vient de l’intérieur

Quelles que soient les bonnes raisons avancées (la traque des terroristes, l’alphabétisation de la jeunesse, la scolarisation des filles, le combat pour la dignité humaine contre le port de la burqa, le développement économique, l’amélioration des conditions sanitaires, etc) quelles que soient les bonnes raisons, la présence des soldats occidentaux est vouée à l’échec. Parce que la liberté n’est pas un produit, mais un chantier dont les bénéficiaires doivent être les acteurs, nécessairement. Dans le meilleur des cas les « soldats de la liberté » (les soldats des démocraties occidentales) sont des catalyseurs de la démocratie. Ils peuvent aider une démocratie naissante à grandir, assurer la protection extérieure, protéger ses fondations. Rien d’autre. La démocratie ne peut pas vivre par procuration.

La liberté ça se construit. La liberté ça s’entretient, la liberté ça se travaille au jour le jour, sans cesse. La liberté s’inscrit dans la durée. Elle ne peut prendre corps et perdurer que si et seulement si, la population concernée s’approprie sa mise en chantier. La liberté ça vient de l’intérieur. C’est la condition suffisante, mais absolument nécessaire, à son émergence. La liberté ça ne vient jamais de l’extérieur. La liberté ça se cultive en soi, pour soi.

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