L’échec de la loi « Dalo » ou …
La loi comme catharsis

Écrit le 14 octobre 2009 par Jiceo

 Élément d’une longue litanie, cet écho est paru dans Ouest-France du 14 octobre 2009, page 5 : « « Pas efficace », c’est le jugement que porte Jean-Baptiste Eyraud, porte parole de Dal, Droit au logement, sur le droit au logement opposable, le « Dalo », vingt-deux mois après son entrée en vigueur. Sur 100 511 dossiers déposés en France, seuls 13 352 ménages auraient obtenu un relogement, soit 13,28 %. » Et voilà, une fois de plus comme des adolescents découvrant le monde, on s’étonne que la loi ne produise pas les effets escomptés. L’explication ? Les Français font des lois à tour de bras ; mais pas pour résoudre des problèmes comme ils le revendiquent, juste pour tenter de s’en débarrasser en soulageant leur conscience.

Baguette magique

On le savait depuis le début. Le droit au logement opposable est tout simplement inapplicable. Non pas, parce qu’on aurait des difficultés à attribuer les logements, mais tout bêtement parce qu‘on ne dispose pas de logements à attribuer. C’est quand même con cette histoire. Quand on connait le nombre de familles sur les listes d’attente pour un logement social, et certaines depuis de nombreuses années, on ne peut s’étonner de la non application du « Dalo ». C’est logique. Les préfets sommés de trouver un logement usent donc de leur baguette magique. Le dossier « Dalo » arrive opportunément sur le dessus de la pile. Du même coup, les familles régulièrement inscrites qui attendent depuis longtemps (des années parfois), et dont c’était le tour, attendront encore.

« Croire » est le mot clé

Elle est extraordinaire cette culture bureaucratique française. On perçoit un problème, en l’occurrence celui du logement des personnes à faible revenu. On escamote son caractère chronique, oubliant qu’un demi siècle d’action militante de l’abbé Pierre n’a pas changé grand chose sur le fond. On croit qu’une nouvelle indignation justifie une nouvelle loi. On vote une loi et, la conscience soulagée, on croit (croire est le mot clé) que le boulot est fait. Quelques années après, découvrant que la loi n’est pas appliquée on s’étonne. On s’offusque alors et, du coup, on peut accuser en toute bonne conscience les pouvoirs publics. Voilà la clé. Les Français tentent de masquer leur propre impuissance en renouvelant à l’infini le vote de lois inapplicables; en prenant bien garde de ne jamais s’interroger sur leur caractère inapplicable. Cette pratique leur garantit une bonne conscience éternelle. Tout n’est pas rose, certes, mais ils n’y sont pour rien. Seuls les politiques (qui semblent « naturellement » incompétents dans la vulgate médiatico-militante) en sont responsables. Et ça c’est tout bon pour le moral du citoyen, ma chère, puisqu’il n’y est pour rien.

Fervents conservateurs

Les associations à caractère humanitaire fleurissent animées par des lobbyistes intégrés à la société, les « insiders ». Chaque « cause », chaque problème social concernant les « outsiders » a son association. Mais leur action de fait se limite à réclamer des solutions à l’État, et ce, en toute irresponsabilité, puisqu’ils se contentent de demander à l’État d’user de sa baguette magique. Rien d’autre. On exige de l’État des solutions pratiques, mais on fait en sorte de rester silencieux sur les conditions de leur mise en œuvre, essentiellement leur financement. Eh oui, ces mêmes lobbyistes sont par ailleurs salariés, consommateurs, contribuables… Et à ce titre-là ils sont les plus fervents conservateurs des situations acquises. Leurs propres syndicats et associations de défense ne restent jamais sans voix quand les intérêts des « insiders » sont en jeu. Et c’est d’ailleurs une des caractéristiques fortes de la société française depuis un demi-siècle. Les « insiders » ont toujours défendu avec vigueur leurs intérêts à court terme ; sans jamais là non plus se préoccuper du financement. Et ils persistent. Le financement des retraites est sur la place publique depuis trente ans. Toujours sans solution viable.

Nos exigences contradictoires

Toujours prêts à ouvrir de nouveaux guichets nos militants. Mais jamais, quand est votée une nouvelle dépense, ils ne s’inquiètent de la manière dont on va pouvoir la financer. Ils ne veulent pas savoir d’ailleurs. La question doit être trop triviale pour ces grands penseurs accusateurs-publics. Autrement dit, ils voudraient pouvoir inscrire ad libitum des nouvelles dépenses au budget de l’État, sans avoir à se préoccuper de leur financement et surtout, à condition que rien ne change pour eux; leur situation personnelle de citoyen-contribuable. Chez les militants, l’action politique est réduite à un jeu d’écritures comptables. Rien de plus trivial en quelque sorte, d’où ce mépris chronique des hommes politiques. Mais la pensée magique montre vite ses limites. Alors sus aux hommes politiques, ces incompétents, incapables de trouver des réponses aux exigences contradictoires que nous leur imposons. Et c’est ainsi que la France est grande. Et que les « citoyens » préservent leur bonne conscience.

Creative Commons License Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.

Laisser une réponse

Wordpress Theme by Arcsin