L’échec du sommet de Copenhague ou bien…
L’échec du rêve technocratique de Nicolas Hulot

Écrit le 23 décembre 2009 par Jiceo

Petite mise à jour – 16 janvier 2011

Couv-CO2 mythe planétaire Je viens de refermer le livre de Christian Gérondeau, CO2, un mythe planétaire (Editions du Toucan – 2009). En écrivant cette note (ci-dessous) à l’issue du sommet de Copenhague, il y a un peu plus d’un an, je n’avais pas mesuré l’ampleur de la falsification idéologique à l’origine de la croisade médiatique qui avait fabriqué l’évènement.

J’avais perçu l’outrance du verbe, le manichéisme de l’argumentation, l’arrogance en un mot des écoloprêcheurs, puisqu’ils sont plutôt versés dans le façonnage de peurs millénaristes que dans l’étude approfondie des situations complexes.  Or, la lecture de Christian Gérondeau nous fait entrer dans la dimension cachée de la posture écologiste: on n’est plus dans  l’outrance; on est dans la falsification.

A lire d’urgence. A faire lire. Vous tous qui voulez vivre sans honte, sans culpabilité, sans angoisse artificielle, sautez sur ce livre. Ne remettez pas sa lecture à plus tard. Construit sur une argumentation élémentaire, sans jargon universitaire obscurcissant, il effectue une salutaire mise à jour de nos logiciels idéologiques, saturés des messages apocalyptiques assénés jour après jour par des médias certes indépendants des politiques, mais tellement dépendants des artificiers de la communication.

Trois arguments majeurs:

  1. La diminution du taux de CO2 dans l’atmosphère, bruyamment escomptée (protocole de Kyoto, sommet de Copenhague), est hors d’atteinte: d’abord parce que la consommation d’énergie est le marqueur principal de l’élévation du niveau de vie des populations. Du coup, comment exiger des pays émergents qu’ils abandonnent la voie qui nous a nous-mêmes conduits à une vie meilleure? Ensuite parce qu’il est vain d’imaginer que les hommes vont laisser volontairement en terre minerais et autres énergies fossiles à leur portée. Inutile de se voiler la face: toutes les ressources disponibles seront utilisées par l’humanité.
  2. Quand bien même la quantité de CO2 contenue dans l’atmosphère augmentera, aucun fondement scientifique ne légitime le prêche apocalyptique annonciateur du cataclysme climatique censé en découler. Le matraquage médiatique ignore l’essentiel: l’évolution du climat est liée à l’activité solaire essentiellement; à l’activité humaine marginalement.
  3. L’humanité doit avoir confiance en elle-même; en ses ressources propres. Au fur et à mesure des contraintes nouvelles qui s’imposeront à elle, elle saura élaborer les réponses qui lui permettront de continuer à s’adapter.

N’ayons pas mauvaise conscience de vivre bien. Réjouissons-nous que des millions d’hommes sortent de la misère. Affranchissons-nous des prêcheurs de tout acabit. Continuons de construire le monde de demain, au lieu de nous réfugier dans un passé idéalisé (qui n’a jamais existé) dans l’espoir vain d’arrêter la marche en avant du monde.

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Le sommet de Copenhague s’est achevé dans la confusion. Échec, demi-échec ou avancée…? Les sentences des commentateurs tombent dru et tentent de se faire une place au soleil médiatique. Parmi eux quelques divas, dont Nicolas Hulot. Nul n’a pu échapper à ses états d’âme: « Affligeant et consternant » s’est égosillé la Castafiore de l’écologie. Peut-être bien. Mais ce qui transparait surtout dans ce jugement lapidaire c’est la vision du monde de son auteur, qui s’apparente à un rêve technocratique.

Échec ou avancée ? Ni l’un ni l’autre, sauf à être prisonnier d’une pensée binaire où le blanc et le noir règnent en maitres absolus. Ni échec ni succès donc, mais une étape sur le long chemin de l’humanité. Ce petit pas en avant ramène sur terre (provisoirement) les gourous de l’écologie habités par un fantasme de toute puissance technocratique. Un rôle dans lequel Nicolas Hulot se prend très au sérieux. Il met autant de passion dans sa croisade écologique depuis qu’il en eut la révélation, qu’il n’en mettait auparavant sur TF1, à servir de caution à quelques grands noms de l’industrie. Ecologie est devenu le mot magique. Sous sa bannière, de pieux Don Quichotte se sont enrôlés pour sauver le monde. Un mot magique qui connait son heure de gloire médiatique, après bien d’autres tombés depuis en désuétude: « alter-mondialisation », « socialisme », « révolution »…

Le consensus ne se décrète pas

Non que les intuitions initiales de Nicolas Hulot seraient sans fondement. Ce n’est pas cela ici qui est en débat. C’est plutôt ce zèle que déploient les militants (a fortiori les nouveaux convertis) à réduire le monde à une seule dimension. Que la Terre connaisse une évolution rapide de son climat depuis un siècle et demi, c’est acquis. Que l’activité humaine y soit pour quelque chose c’est probable. Qu’il serait mieux d’en tenir compte pour faire évoluer nos pratiques c’est clairvoyant. Mais ce n’est pas parce qu’on a délimité le terrain de jeu que la partie commence. Il reste à mettre sur pied les règles du jeu. Des règles d’autant plus importantes que leur seule chance d’exister, en acte ultérieurement, présuppose la reconnaissance de leur légitimité par l’ensemble des joueurs. Ce qui n’est pas une mince affaire lorsque 160 équipes se pressent autour de la table; 160 équipes représentant 6 milliards de joueurs, excusez du peu. Et les Don Quichotte s’étonnent que les résultats soient si minces.

Pourtant, le premier grand résultat c’est d’avoir réuni 160 pays sur cette question-là, pour en discuter. C’est une avancée incommensurable dans l’évolution de l’humanité. A revisiter les relations des hommes sur la Terre au cours des quatre ou cinq derniers siècles, c’est un exploit en soi. Ensuite l’émergence d’un accord aussi large présuppose que l’intérêt des peuples, ici ou là, se soit déjà fondu dans l’intérêt général supposé, exprimé par quelque génial militant-penseur-précurseur. Non seulement ce n’est pas le cas, mais en outre cela ne se décrète pas. C’est la discussion qui fait émerger la convergence des points de vue ou non, c’est la discussion qui permet d’en dresser le constat. Elle est son préalable, sauf pour quelques gourous prompts à s’imaginer incarner la vérité. Conclusion provisoire: il serait tout aussi légitime, et instructif, de s’interroger sur les motifs de la non convergence de ces dynamiques à travers le monde que de se lamenter de l’absence d’un accord contraignant.

Ils n’ont pas de questions. Mais ils ont les réponses.

Toutefois, ce que révèle de plus profond cette complainte c’est la propension à réduire le monde aux représentations qu’on s’en fait; et en outre chez les gourous la tentation de les imposer à tous. Avoir découvert tardivement (dans le cours de sa propre vie) les pressions environnementales qui pèsent sur les grands équilibres récents (quelques millénaires) de la biosphère ne fait pas de Nicolas Hulot un visionnaire. Le propre du militant c’est, à partir d’une révélation (ici celle que la Terre ne pourra pas supporter éternellement l’activité humaine qui y règne), de construire un monde virtuel (littéraire exclusivement) censé incarner le contre-modèle. Puis d’imaginer que ce monde virtuel est la voie unique, toute tracée, en dehors de laquelle il n’est point de salut. Et par suite en toute logique de s’offusquer que le reste du monde ne se jette pas à ses pieds en signe de reconnaissance. Voilà pourquoi au sortir de la conférence de Copenhague Nicolas Hulot blâme les mal-pensants.

C’est le propre du militant de s’ériger en prescripteur-juge, statut qui lui impose la nécessité de s’exonérer personnellement de la mise en œuvre de ses préconisations. Le militant c’est celui qui du haut de son catéchisme antiproductiviste prescrit au politique la marche à suivre; s’en attribue les mérites lorsque les choses avancent dans la direction indiquée mais s’empresse de le clouer au pilori lorsque ce n’est pas le cas. Le militant prescrit puis juge. Quant à savoir quels chemins tortueux la politique doit emprunter pour passer des intentions aux actes dans la société vivante, ce n’est pas son problème. Trop trivial pour un penseur. Le militant ignore à peu près tout des dynamiques à l’œuvre dans le monde vivant. Ayant inventé dans son petit laboratoire intellectuel personnel « un modèle de société » il se prend volontiers pour un précurseur génial. Ses élucubrations ont pour destin naturel d’être encensées par le bon peuple et ses représentants politiques. Et s’il est féru de communication il est même capable de mettre sur pied une mise en scène abracadabrantesque pour la signature de son « Pacte écologique ». Comédie à laquelle ont dû se plier les candidats à l’élection présidentielle de 2007. La seule chose qu’oublient les précurseurs ce sont leurs propres prédécesseurs. Les thématiques écologiques ont émergé il y a longtemps. René Dumont, Ivan Illich, les travaux du M.I.T. (Massachusetts Institute of Technology) en constituent quelques points de repère. Mais nos gourous contemporains sont, à leur tour, persuadés d’inventer le monde. Ils évitent soigneusement de se demander quel chemin a déjà été parcouru dans cette direction-là. Comme ils évitent de se demander pour quelles raisons l’évolution n’est pas plus rapide. Ils n’ont pas de questions. Mais ils ont les réponses.

Un rêve technocratique

Au fond, tous les prescripteurs ont la particularité de développer une conception réductrice du monde. Ils passent leur temps à élaborer des scénarios en vase clos, dans un univers intellectuel protégé des vicissitudes du monde vivant. Et ils s’indignent quand ils constatent que le monde refuse de se plier à leurs injonctions. Et ils recommencent sans fin comme des automates. Gageons, qu’une fois digérée la déception de Copenhague, ils vont réinvestir massivement le futur Sommet international (à Bonn) des sempiternels fantasmes inassouvis, éventuellement enrichis, avant de replonger dans le spleen lorsqu’ils constateront une fois encore que les vils politiques ne marchent pas dans leurs pas. Et sans jamais se demander pour quelles raisons les politiques ne leur emboitent pas le pas mécaniquement. C’est cette particularité-là qui révèle le caractère technocratique de l’inspiration. Considérant qu’ils incarnent le génie intellectuel, la mise en œuvre terrestre de leurs trouvailles n’est pour eux qu’un prolongement mécanique; tellement mécanique qu’elle est sous-traitée aux politiques pour exécution. Mais, comment font les politiques pour passer des intentions aux actes? Mystère. Un mystère qui leur est complètement étranger. Le rêve d’être le concepteur d’un monde élaboré en laboratoire, monde qu’il ne resterait plus ensuite qu’à mettre en œuvre mécaniquement est un rêve technocratique.

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