Les journalistes reprochent au général Georgelin de leur avoir donné l’info qu’ils lui ont soutirée
• Ils sont forts les journalistes français. Ils reprochent au général Georgelin de leur avoir donné l’information qu’ils lui ont soutirée. Indépassables. Le général a dit la vérité, il sera exécuté aurait pu chanter Guy Béart. La malhonnêteté intellectuelle serait-elle une qualité journalistique? La profession s’offusque parce que le général Georgelin lui a donné une information. La grande muette ne sait plus tenir sa langue. Il aurait dû se taire, le militaire. Ne pas répondre; et se faire épingler pour dissimulation? L’affaire est d’autant plus extravagante qu’elle émane de gens dont le métier est de rechercher et de diffuser l’information.
Le Chef d’état major des Armées était interrogé sur Europe1 dimanche 21 février. Il a indiqué que les dépenses engagées pour libérer les journalistes de France3 (enlevés en Afghanistan fin décembre et détenus en otage depuis) s’élevaient à plus de 10 millions d’euros. C’est une information. Et de taille. La confraternité journalistique a réagi en victime, en conformité avec la dominante culturelle du pays. Ses réactions outragées laissent entendre que si le général a livré le montant provisoire de la facture, c’est avec quelques arrières pensées. C’est peut être vrai, mais ils sont allés la chercher l’info, les interviewers.
Il suffit d’écouter attentivement l’échange (la vidéo ci-dessous) pour découvrir que c’est l’insistance des journalistes qui conduit le général à préciser ce montant: «… j’ajoute d’ailleurs qu’à l’heure actuelle nous avons déjà dépensé…». Ici c’est le « j’ajoute d’ailleurs» qui est important parce qu’il donne la clé. C’est parce qu’il est pressé de questions que le général Georgelin finit par délivrer l’information. Autrement dit les interviewers ont bien fait leur métier puisqu’ils ont obtenu une information. Or, il aurait fallu la garder cachée. Pourquoi certaines informations doivent être à tout prix publiées, d’autres à tout prix cachées? La censure serait illégitime en général, mais légitime en particulier selon les personnes concernées?
Et je passe sur la suite de l’interview lorsque Jean-Pierre Elkabach joue à faire grincer son violon sur l’air de “la liberté de la presse menacée”. Puéril. Tellement hors de propos que c’en est pathétique.
Le général Georgelin interviewé sur Europe 1 (dimanche 21 février)
envoyé par Europe1fr.
Script de l’interview
Europe 1 – Nos confrères de France3 sont otages d’une tribu de talibans depuis plus de deux mois. Où en êtes-vous de vos recherches? Est-ce que pour vous pour récupérer des otages il faut négocier, marchander ou attaquer?
Général Georgelin – Sur cette question j’ai été amené à conduire, lorsque j’étais chef d’état major particulier de Jacques Chirac, les opérations qui ont conduit à la libération de Florence Aubenas, Christian Chesnot, Georges Malbrunot. Dans ce genre d’opération, moins on en parle mieux c’est. Je ne vais pas vous expliquer publiquement ce qu’il en est.
Europe 1 – Ils sont vivants ?
Général Georgelin – Vous savez comme moi qu’ils sont vivants. Vous avez eu une vidéo qui a été transmise récemment qui montre qu’ils sont vivants. Nous faisons nous militaires, l’Etat fait, chacun à sa place fait ce qu’il doit faire pour (la parole lui est brutalement coupée par le journaliste)
Europe 1 – Tous les moyens sont engagés ?
Général Georgelin – Tous les moyens sont engagés. Nous faisons ce que nous devons faire pour les libérer. J’ajoute d’ailleurs qu’à l’heure actuelle nous avons déjà dépensé plus de 10 millions d’euros pour cette affaire.
Europe 1 – Vous pensez que c’est un coût exorbitant ?
… etc
Comme on le voit ce sont les journalistes qui extirpent l’information et qui ensuite continuent d’enfoncer le clou. Ce sont les interviewers qui relancent sur le sujet. On ne peut pas à la fois demander si « tous les moyens sont engagés » et s’indigner de recevoir une réponse; a fortiori concrète puisque du coup, elle donne à chacun la liberté d’évaluer la pertinence de la réponse: « tous les moyens sont engagés. » Et, au point où on en est, appuyons encore un peu là où ça fait mal, sur la perversité des interviewers. Une fois l’info délivrée, ils relancent immédiatement par cette question: « Vous pensez que c’est un coût exorbitant ? » Formulation curieuse, non? Cette question spontanée est bien née quelque part dans le cerveau de celui qui la pose. Probablement parce que l’idée l’a effleuré lui; qui submergé par un sentiment de culpabilité refuse de l’assumer en suggérant au général Georgelin de l’endosser pour son compte.
Peut-être bien qu’il faudrait compléter la panoplie du parfait journaliste: en plus du stylo ou du micro le doter d’un miroir.