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Claude Bartolone porte-parole…
Des élus qui comptent sur la justice administrative pour suppléer leur manque de courage politique

Écrit le 29 janvier 2011 par Jiceo

La politique dans tous ses états. Sans vision globale de la vie du pays, enfermés dans une perspective à courte-vue, les socialistes se préparent des lendemains qui déchantent. Dont tout le pays fera les frais. Ouest-France du samedi 29-30 janvier 2011 titre ainsi une brève: «Transferts de charges : le « 9.3 » marque un point». Il s’agit de la plainte déposée par le Conseil général de Seine-Saint-Denis, présidé par le socialiste Claude Bartolone, auprès du tribunal administratif. «Le conseil général de Seine-Saint-Denis a remporté, hier, une première victoire dans son conflit avec l’État sur les transferts de charges. Interrogé sur sa conformité à la Constitution, le tribunal administratif de Montreuil a jugé cette question « particulièrement fondée et détaillée ». Le juge a trois mois pour se prononcer.» Et Claude Bartolone de se glorifier: «C’est une nouvelle victoire dans le combat que je mène pour que l’État assume pleinement ses responsabilités et compense intégralement les transferts de charges vers les collectivités».

Quelle vision à courte vue, celle pourtant d’un « responsable » politique de collectivité territoriale, par ailleurs « responsable » national d’un parti politique qui brigue la responsabilité politique suprême du pays. Peut-on continuer de qualifier de « responsable » celui qui envisage ses relations avec l’État en termes de «conflit», éventuellement sanctionné par une «victoire», comme s’il n’y avait ni lien organique, ni lien institutionnel, ni lien politique entre l’État comme institution et l’État comme collectivité intégrant les collectivités territoriales. Vision réductrice au détriment d’une vision englobante dans laquelle les différents niveaux travaillent en synergie.

Qu’il existe des conflits dans les relations entre les différentes strates administrativo-politiques, assurément. C’est le signe d’un pays vivant. Mais ces conflits sont des conflits politiques tendus vers la recherche des meilleures synergies au service de l’intérêt général; des conflits politiques dont la seule issue légitime est de nature politique. Nécessairement. Qu’un parti politique en charge d’une collectivité territoriale abandonne le terrain politique au nom de quoi pourtant il a sollicité la responsabilité de cette charge en demandant à l’institution judiciaire (même administrative, cette autre exception française) d’endosser les responsabilités que désormais il refuse, qu’un parti politique refuse ses responsabilités politiques en toute bonne conscience devrait nous alarmer. Et nous alarmer doublement, puisque si la justice administrative parvenait à se trouver quelque légitimité à investir le terrain politique, alors c’est l’institutionnalisation du chaos qui nous guette.

La justice peut-elle suppléer l’irresponsabilité politique ?

Comme si une décision de justice pouvait suppléer la pusillanimité d’élus professionnels de la politique; parce que le seul problème sous-jacent à ce conflit entre l’État et les Collectivités est d’ordre financier et qu’aucune décision de justice ne pourra se substituer à la responsabilité politique du parlement qui vote le budget de la Nation; parlement dont les trois-quarts des élus sont par ailleurs responsables(?) de collectivité territoriale (maire, président de Conseil général). Où l’on voit dans ce rapprochement que la catégorie « professionnel de la politique » compte bon nombre de carriéristes sans envergure. Toujours prêts à assumer leur «responsabilité» lorsqu’il s’agit de couper un ruban tricolore ils sont derechef toujours prêts à s’en délester lorsque ses conséquences risquent d’être perçues négativement: comme ici où l’on voit un président de Conseil général et député, d’un côté rejeter sur l’État (le gouvernement) la responsabilité de l’exécution intenable des budgets votés par les parlementaires, et de l’autre refuser les conséquences pratiques sur le budget du Conseil général soumis aux restrictions budgétaires, et ce en espérant s’appuyer sur une décision de justice pour s’en affranchir.

«Responsable politique» cela ne  consiste pas à faire l’addition de la colonne dépenses; un écolier de CM2 sait le faire. «Responsable politique» cela consiste à faire correspondre l’addition de la colonne dépenses à celle de la colonne recettes. C’est un travail de nature politique. Strictement. Aucune décision de justice ne fera rentrer le moindre centime dans les caisses de l’État, dont l’état de décrépitude justement, dérive de 35 ans de laxisme budgétaire. Lequel laxisme budgétaire avait pour fonction première d’assurer des carrières durables à bon compte aux professionnels de la politique. Cette question dont a accepté de se saisir le tribunal administratif est strictement politique. Pas juridique. Qu’il la légitime en faisant droit aux demandes de Claude Bartolone, et c’est alors un pas de plus vers la légitimation de l’irresponsabilité politique des responsables politiques.

La machine à promesses tourne à plein

Le discours anti-Etat-Sarkozy est un discours, assurément; prisé, certainement. Est-ce pour autant le fondement d’une politique? L’avenir très proche nous le dira. Car, il va pouvoir, le parti Socialiste, « assumer pleinement ses responsabilités » s’il gagne les élections présidentielle et législatives dans un an. Car avant même (éventuellement) de prendre en main le budget de l’État en 2012, il se prépare aux cantonales de mars 2011. Et conformément à sa culture, la machine à promesses tourne à plein.

Dans la même édition et sur la même page, Martine Aubry s’y soumet. «L’idée principale est d’installer un « bouclier territorial » pour lutter contre la « désertification des zones rurales » et la « disparition des services publics ». Le PS préconise la création de « maisons du département » pour garantir les services de proximité. Ces structures serviraient de guichet unique traitant de toutes les questions départementales. L’emploi reste la « priorité absolue ». Il s’agit notamment de faciliter « l’accès au premier emploi » avec des aides pour le permis de conduire. Pour garantir l’accès à la santé et favoriser la permanence des soins, le PS veut faciliter l’ouverture de maisons de santé pluridisciplinaires. Il veut créer un « pack autonomie » permettant le maintien à domicile des personnes âgées… Enfin les socialistes promettent la couverture numérique de tous les départements.» Joli catalogue sur papier glacé comme on sait le faire au PS.

Dans le carrosse du conseil Général

Voilà un joli programme qui consiste à s’asseoir dans le carrosse du conseil Général pour une longue chevauchée sans s’assurer qu’on a les moyens de fournir l’avoine aux chevaux. Seule la colonne dépenses est remplie. La colonne recettes demeure vierge. Comme d’habitude. Carence d’autant plus criante que les mêmes qui ne lésinent pas sur les promesses, sont ceux qui clament l’incapacité des conseils Généraux à faire face aux dépenses en cours puisque « l’État ne compense pas les transferts de charges ». Arnaud Montebourg qui dispute la palme de la démagogie à Claude Bartolone, s’en est fait également une spécialité.

Les mêmes qui accusent l’État de ne pas tenir ses engagements sont ceux qui ont contribué largement depuis trente ans à lui pomper des ressources dont il ne disposait pas (la dette dépasse 80% du PIB). Mais pire encore. Puisqu’ils ne sont plus aux affaires depuis 2002, ils s’ingénient à savonner la planche du gouvernement à chaque tentative de rapprocher le budget de la Nation des ressources de la Nation. Comme s’ils ne devaient plus jamais prendre la responsabilité des affaires du pays. Comme si leur horizon politique se limitait au plaisir de conforter l’échec du gouvernement. Comme si l’échec du gouvernement devait être sans conséquence pour l’avenir du pays. Politique à courte vue, disais-je en commençant; alors que les Allemands ont eu l’intelligence de s’engager dans la grande coalition lorsque les temps imposaient des décisions difficiles. Dont ils récupèrent aujourd’hui les retours sur investissement.

Résoudre la quadrature du cercle

En un mot, si le PS doit arriver aux commandes du pays en 2012 après avoir chargé la barque des promesses (ah, sinistre meeting de Villepinte), il va devoir résoudre la quadrature du cercle. Le niveau de la dette impose des décisions, repoussées depuis trop longtemps. Dette qu’il va devoir s’efforcer de diminuer, si on veut éviter à l’Europe de devenir le champ d’action privilégié des spéculateurs; après les alertes (grecque, irlandaise, portugaise, espagnole) de l’année 2010. Au programme: promesses cantonales + promesses présidentielles + compensation au centime près des charges transférées + diminution de la dette de l’État + diminution des dépenses de l’État pour concrétiser la diminution de la dette. Sans vision globale de la vie du pays, enfermés dans une perspective à courte-vue, les socialistes se préparent des lendemains qui déchantent. Sauf à faire de Merlin l’enchanteur le candidat du parti.

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